Écoute, petit homme ! (extrait 7)

Écoute, petit homme ! (extrait 7)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P135 à P137

Comme tu menaces toute vie, comme il est impossible de s’en tenir en ta présence à la vérité sans recevoir un couteau dans le dos ou de la merde dans la figure, j’ai pris mes distances. Je le répète : je me suis éloigné de toi mais non de ton avenir. Je n’ai pas abandonné l’humanité, mais ton inhumanité et ta bassesse.

Je suis toujours disposé à consentir des sacrifices pour la vie agissante, mais plus pour toi, petit homme ! Il y a peu, je me suis rendu compte que j’ai commis pendant vingt-cinq ans une erreur immense : je me suis dépensé pour toi et ta vie parce que je croyais que tu étais la vie, le progrès, l’avenir, l’espoir. D’autres personnes animées de la même droiture et de la même véracité pensaient également trouver la vie en toi. Toutes ont péri. L’ayant compris, j’ai décidé de ne pas me laisser tuer par ton étroitesse d’esprit et ta bassesse. Car il me reste des affaires importantes à régler. J’ai découvert la vie, petit homme. Je ne peux plus longtemps te confondre avec la vie que j’ai sentie en toi et cherchée en toi.

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Écoute, petit homme ! (extrait 6)

Écoute, petit homme ! (extrait 6)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P128 à P130

Tu es lâche, tu as toujours été lâche. Tu tenais le bonheur de l’humanité entre tes mains, tu as tout gaspillé. Tu as mis au monde des Présidents, tu leur as donné ta mentalité mesquine. Ils se font photographier et reproduire sur des médailles, ils sourient en permanence, mais ils n’osent appeler la vie par son nom, petite fille de la Révolution ! Tu portais le monde dans tes mains, et tu as lâché des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki ; à vrai dire, c’est ton fils qui les a lâchées. Tu as lâché ta pierre tombale, petite femme rongée par le cancer. Avec une seule bombe, tu as expédié dans le silence du tombeau ta classe et ta race toute entière. Car tu n’as pas eu assez de sentiments humains pour lancer un avertissement aux hommes, aux femmes, aux enfants d’Hiroshima et de Nagasaki. Tu n’as pas eu la grandeur d’âme d’être humaine ! C’est pourquoi tu disparaîtras silencieusement, comme une pierre s’enfonçant dans l’océan. Peu importe ce que tu penses ou dis maintenant, petite femme qui a mis au monde des généraux idiots. D’ici cinq cents ans on se moquera de toi, on s’étonnera. Qu’on ne le fasse pas déjà aujourd’hui est une des preuves de la misère de ce monde !

[…]

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Écoute, petit homme ! (extrait 5)

Écoute, petit homme ! (extrait 5)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P110 à P111

Tu n’es pas le peuple petit juge ; c’est toi qui méprises le peuple, car tu ne songes même pas à défendre les droits du peuple; ce qui seul t’intéresse, c’est ta carrière. Cela, beaucoup de grands hommes l’ont dit ; mais évidemment tu ne les as jamais lus. Je respecte le peuple, car je prends d’énormes risques en lui disant la vérité. Je pourrais jouer au bridge avec toi ou raconter des plaisanteries « populaires ». Mais je ne m’assieds pas avec toi à la même table. Car tu es un mauvais défenseur de la « Déclaration des Droits du Citoyen ».

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Écoute, petit homme ! (extrait 4)

Écoute, petit homme ! (extrait 4)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P98 à P102

Tu vas assumer le gouvernement du monde et cette idée te fait trembler de peur. Pendant des siècles, tu assassineras tes amis et tu porteras aux nues les Führer de tous les peuples, de tous les prolétaires et de tous les Russes. Des jours durant, des semaines durant, des années durant, tu salueras un maître après l’autre ; tu n’entendras pas le vagissement de tes bébés, tu ne te soucieras pas de la misère de tes adolescents, de la nostalgie de tes hommes et femmes, et si jamais tu entends leurs plaintes, tu les traiteras de bourgeois individualistes. Pendant des siècles, tu verseras du sang là où il faudrait protéger la vie, et tu t’imagineras que tu instaures la liberté en te faisant aider par tes bourreaux ; par conséquent, tu ne sortiras jamais du bourbier. Pendant des siècles, tu suivras le rodomont, tu seras sourd et aveugle quand LA VIE, quand TA VIE fera appel à toi. Car tu as peur de la vie, petit homme, très peur. Tu l’assassineras au nom du « socialisme », de l’Etat, de « l’honneur national », de la « gloire de Dieu ». Mais il y a une chose que tu ne sauras pas, que tu ne voudras pas savoir : que tu es le propre artisan de ton malheur, que tu le produis tous les jours, que tu ne comprends pas tes enfants, que tu leur brises les reins avant même qu’ils aient la force de se tenir debout ; que tu voles l’amour ; que tu prends un chien pour être toi aussi le « maître » de quelqu’un.

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Écoute, petit homme ! (extrait 3)

Écoute, petit homme ! (extrait 3)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P85 à P96

Sais-tu, petit homme, ce que ressent un aigle qui a couvé des œufs de poule ? Tout d’abord, il pense qu’il va faire éclore de petits aigles qu’il élèvera et dont il fera de grands aigles. Mais les petits aigles se révèlent bientôt de petits poussins. L’aigle, désespéré, veut néanmoins en faire des aigles. Mais il ne voit autour de lui que des poules qui caquettent. Alors, l’aigle a beaucoup de peine à réprimer son désir de dévorer tous ces poussins, toutes ces poules. Ce qui te retient, c’est le faible espoir que parmi tous ces poussins se trouvera peut-être un petit aigle qui, en grandissant, deviendra un grand aigle comme lui-même, explorant à partir de son aire de nouveaux mondes, de nouvelles idées, de nouvelles formes de vie. C’est ce faible espoir qui empêche l’aigle triste et solitaire de dévorer les poussins et les poules. Mais ces derniers ne se rendent même pas compte que c’est un aigle qui les élève. Ils ne remarquent même pas qu’il vit sur une aiguille de rocher, au-dessus des vallées brumeuses et sombres. Ils se contentent de manger ce que l’aigle leur apporte au nid. Ils se réchauffent et se mettent à l’abri sous ses ailes chaudes quand sévissent l’orage et la tempête qu’il brave sans la moindre protection. Quand l’ouragan souffle trop fort, ils se sauvent et lui lancent de loin de petits cailloux aigus pour le blesser. Quand l’aigle voit cette méchanceté, son premier réflexe est de les anéantir. Mais en réfléchissant il finit par les prendre en pitié. Il ne perd pas l’espoir que parmi les poussins caquetants, picorants et myopes, il se trouvera un petit aigle capable de devenir un jour un grand aigle comme lui.

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Écoute, petit homme ! (extrait 2)

Écoute, petit homme ! (extrait 2)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P66 à P69

Voilà comment tu es, petit homme ! Tu es capable de ramasser, de dévorer et de puiser, mais tu es incapable de créer. C’est pourquoi tu es ce que tu es, c’est pourquoi tu passes ta vie dans un bureau devant une machine à calculer ou devant une planche à dessin, à t’ennuyer à mort, ou affublé d’une camisole de force conjugale, ou à instruire des enfants que tu détestes. Tu es incapable d’évoluer, de concevoir une pensée nouvelle, car tu n’as jamais rien donné, mais fait que prendre ce que d’autres t’ont présenté sur un plateau d’argent.

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Écoute, petit homme ! (extrait 1)

Écoute, petit homme ! (extrait 1)

Écoute, Petit Homme !

Par Wilhelm Reich, Écoute, petit homme!, Petite Bibliothèque Payot, traduit par Pierre Kamnitzer, 2002, P34 à P43

J’ai très peur de toi, petit homme. Il n’en a pas toujours été ainsi. Car j’ai été moi-même un petit homme, parmi des millions d’autres petits hommes. Puis, je suis devenu un savant et un psychiatre, et je me suis rendu compte combien tu es malade et combien ta maladie te rend dangereux. J’ai appris que c’est ta maladie émotionnelle et non une puissance externe qui t’opprime à toute heure de la journée, même si aucune pression extérieure ne s’exerce contre toi. Tu te serais depuis longtemps débarrassé des tyrans si tu étais toi-même animé d’une vie interne en bonne santé. Tes oppresseurs se recrutent dans tes propres rangs, alors qu’ils provenaient naguère des couches supérieures de la société. Ils sont même plus petits que toi, petit homme. Car il faut une bonne dose de bassesse pour connaître d’expérience ta misère et pour s’en servir ensuite pour mieux t’exploiter et mieux t’opprimer.

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Les enfants ont le droit d’être entendus et les adultes le devoir de les écouter

Les enfants ont le droit d’être entendus et les adultes le devoir de les écouter

Par Thomas Hammarberg

Thomas Hammarberg est Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Cette intervention a été donnée dans le cadre d’un événement organisé à Varsovie le 20 novembre 2007.

Henryk Goldszmit, qui écrivait sous le pseudonyme de Janusz Korczak, est le père de l’idée selon laquelle les enfants ont aussi des droits, des droits humains. Sa pensée a profondément influencé la rédaction de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Certains d’entre nous, qui ont participé aux travaux d’élaboration de ce traité durant dix longues années, ont été inspirés par sa vision de l’enfant en tant qu’individu à part entière, et non en tant que simple objet appartenant aux adultes.

On a dit de Korczak – lorsque l’antisémitisme le contraignit à abandonner son rôle de «Docteur à la radio» quelques années avant la seconde guerre mondiale – qu’il était doté d’une rare aptitude à s’adresser aux enfants comme s’ils étaient des adultes, et aux adultes comme s’ils étaient des enfants. Il comprenait ces deux groupes de personnes et a donc agi comme interprète entre eux, en donnant la priorité à la jeune génération.

Son message portait essentiellement sur le respect des enfants, le respect de leur valeur intrinsèque en tant qu’êtres humains, mais aussi le respect de leurs capacités et de leurs compétences. Cette foi qui l’animait s’est également manifestée dans la vie quotidienne de cette maison d’accueil pour enfants, et, dans les dernières années de sa vie, dans l’orphelinat du ghetto de Varsovie.

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Respecter les enfants, c’est arrêter de les battre

Respecter les enfants, c’est arrêter de les battre. Aujourd’hui, pas demain ou après-demain

Par Peter Newell

Peter Newell est coordinateur de l’Initiative mondiale pour mette fin aux châtiments corporels des enfants. Cette intervention a été donnée dans le cadre d’un événement dédié à Janusz Korczak organisé par la Représentation de Pologne auprès des Nations Unies à Genève le 6 juin 2009

Comme Janusz Korczak en son temps – bien avant la Convention relative aux droits de l’enfant, – les conférences qui portent son nom visent à promouvoir l’enfant en tant que personne ayant des droits, notamment le droit au

même respect de sa dignité et de son intégrité physique. Le fait que les châtiments corporels et d’autres formes cruelles ou dégradantes de punitions infligées aux enfants soient toujours parfaitement légaux et soutenus par les adultes montre de manière ô combien symbolique le peu de cas que nous faisons des enfants, considérés dans de trop nombreux pays comme des biens, des objets, et non comme des personnes à part entière.

Derrière la « république » des enfants de Korczak se cache une philosophie : non, les enfants ne sont pas les individus de demain mais des personnes à part entière dès aujourd’hui. Le professeur Paolo Sérgio Pinheiro, qui a dirigé la récente étude du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants, s’est fait l’écho de cette philosophie en concluant, lors de son allocution devant l’Assemblée générale de l’ONU en 2007 : « Les enfants sont fatigués de s’entendre dire qu’ils sont ‘‘l’avenir’’. Ils veulent vivre leur enfance, sans violence, dès maintenant. »

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Le droit de l’enfant au respect : L’irrespect et le manque de confiance

Par Janusz Korczak

Nous  avons  vécu  dans  l’idée  que  grand  vaut  mieux  que petit.

– Je suis grand, s’écrie joyeusement un bambin mis debout sur une table. Je suis plus grand que toi, déclare-t-il avec orgueil à un copain du même âge mais plus petit de taille.

Qu’il est pénible de ne pas pouvoir atteindre un objet, surtout si, pour le faire, vous vous êtes dressé sur la pointe des pieds ! Quelle fatigue pour les petites jambes de vouloir emboîter le pas à un adulte. Et de la main trop petite le verre glisse toujours. Que d’efforts, que de gestes maladroits, rien que pour grimper sur une chaise, monter un escalier, s’asseoir dans une voiture ; impossible d’ouvrir une porte, de regarder par la fenêtre, de décrocher ou de suspendre un objet : c’est toujours trop haut.

Dans  une  foule,  personne  ne  fait  attention  à  vous,  on  ne  voit  rien,  on  se  fait bousculer. Décidément, il n’est pas facile ni agréable d’être petit.

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L’héritage de Janusz Korczak : une source d’inspiration inestimable

L’héritage de Janusz Korczak : une source d’inspiration inestimable

Par Sven Hartman

Sven Hartman est professeur de pédagogie à l’Université de Stockholm et ancien président de l’association Janusz Korczak en Suède

Les années qui entourent la première guerre mondiale sont  fascinantes.  La situation de l’ensemble  du monde occidental exigeait alors de nouvelles initiatives de la  société.  Les  conflits  internationaux,  la  pauvreté  et les  privations  engendraient  de  graves  problèmes  sociaux  à  l’école  et  dans  la collectivité. L’urbanisation et les grandes migrations imposaient une restructuration des services de santé et de l’éducation. Face à cette situation, des pionniers des sciences  sociales  et  de  la  pédagogie  s’attaquèrent,  dans  le  monde  entier,  aux problèmes du XXe siècle en lançant de nouvelles idées et de nouvelles méthodes de travail. La plupart des traditions pédagogiques que nous considérons aujourd’hui comme novatrices et « alternatives » sont en fait nées pendant cette période.

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Brutalités et harcèlement physique et psychologique exercés sur des enfants par des personnels du ministère de l’Éducation nationale

«Dans une société démocratique, il ne peut exister “une caste des intouchables” : tous les citoyens sont soumis au droit, à la même règle de droit. Rien dans cela qui puisse engendrer une crainte excessive. Le droit, y compris dans ses aspects de droit pénal, ne peut en aucun cas justifier un quelconque immobilisme ou être un alibi pour ne rien faire, ne pas prendre d’initiative, ne pas assumer des responsabilités. Il invite au contraire chacun et, entre autres, l’encadrement à respecter la règle commune et à prendre un minimum de précautions dans l’intérêt général et dans celui de ceux dont il a la charge.(…) N’est-ce pas là, peut-être, à l’égard des élèves et de leur famille, une leçon de civisme et une façon de contribuer à la formation des citoyens, si nécessaire aujourd’hui ? »

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L’éducation à la sexualité

L’éducation à La Sexualité par Philippe BRENOT – Que sais-je?

Philippe BRENOT est Directeur d’enseignement en sexologie à l’Université de Paris 5

Introduction

[…]

Car une dimension éducative à la sexualité ne se limite certainement pas à un corps de connaissance sur l’anatomie, la physiologie de la fécondité ou même le physique de l’amour, mais envisage la nature et la valeur de nos relations avec les autres, le sens de l’intimité de nos comportements et l’acceptation de la sexualité dans toutes ses implications biologiques, psychologiques, sociologiques, ou encore morales.

On peut également rappeler qu’il a toujours existé une éducation à la sexualité, adaptée à son lieu et à son temps, que l’on soit en milieu traditionnel ou plus récemment en milieu urbain. Cette éducation a toujours pris en compte les valeurs culturelles et sociales du groupe dans lequel elle s’exprimait, jusqu’au XIXe siècle en Occident où la répression des pulsions sexuelles a été suivie d’une absence de discours sur la sexualité, silence coupable qui perdure encore à la fin du XXe siècle. Devant cette carence parentale, et du fait de l’évolution rapide des valeurs morales, une éducation sexuelle informelle puis institutionnelle s’est mise en place. Elle est aujourd’hui une nécessité qui requiert l’engagement de tous, parents, éducateurs, enseignants, pour l’épanouissement des enfants et des adolescents.

[…]

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Construction et affirmation de l’identité sexuée et sexuelle : éléments d’analyse de la division sexuée de l’orientation

Françoise Vouillot est Maîtresse de Conférences en psychologie – I.N.E.T.O.P.-C.N.A.M. et responsable de l’équipe de recherches ORIGINES.

« Si le “Je” accompagne toutes nos pensées, ce n’est pas un sujet au neutre, nous ne cessons pas un instant de nous sentir un homme ou une femme » (Chiland, 1998, p. 32). Ainsi, notre appartenance de sexe est une composante fondatrice de notre identité individuelle et sociale. Autrement dit, notre identité est sexuée.

Selon les auteures qui contribuent à ce numéro, on constatera des acceptions différentes dans la définition et l’usage des notions d’identités sexuelle/sexuée. Cela dit, en général, quand une distinction est opérée entre identité sexuelle et sexuée, l’identité sexuelle renvoie plus particulièrement au sentiment d’appartenance au sexe biologique assigné à la naissance et à la psychosexualité ; quant à l’identité sexuée, elle désigne le sentiment d’appartenance à son sexe culturellement défini par les normes sociales de féminité et de masculinité prescrites à chacun des deux sexes biologiques. Quoi qu’il en soit, identité sexuelle et sexuée ne sont pas indépendantes, puisque l’identité sexuée se construit et s’affirme en référence aux normes prescrites au sexe biologique assigné à la naissance au vu de l’apparence des organes génitaux externes. Le transsexualisme montre que parfois certaines personnes vivent subjectivement une discordance : « se sentir une femme prisonnière dans un corps d’homme » ou inversement. Il est ressenti comme vital par ces personnes de modifier leur corps pour qu’il possède les caractéristiques leur donnant l’apparence du sexe biologique auquel psychiquement elles se sentent appartenir.

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L’évolution de l’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires

L’évolution de l’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires
De « l’information sexuelle » à l’égalité entre les filles et les garçons

Véronique Poutrain, chercheuse associée à l’UMR Telemme (MMSH Aix-en-Provence)

L’éducation à la sexualité est une composante de la construction de la personne et de l’éducation du citoyen. À ce titre, depuis 1973, l’école envisage une éducation à la sexualité dont l’objectif est de permettre aux élèves d’adopter des attitudes de responsabilité individuelle et sociale. Les objectifs de cet article sont pluriels. Il s’agit, d’une part, de suivre l’évolution de cette éducation à la sexualité à l’école tout en considérant, d’autre part, sa dimension politique et polémique. Dans les deux cas, l’analyse de l’évolution de l’éducation à la sexualité sera nourrie par des extraits d’archives de journaux de la presse quotidienne qui permettront de mesurer la teneur des débats.

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L’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées

CIRCULAIRE N°2003-027 DU 17-2-2003

ENSEIGNEMENTS ÉLÉMENTAIRE ET SECONDAIRE

L’évolution des mentalités, des comportements, du contexte social, juridique et médiatique dans le domaine de la sexualité, ainsi que des connaissances scientifiques liées à la maîtrise de la reproduction humaine a conduit les pouvoirs publics à développer l’éducation à la sexualité en milieu scolaire comme une composante essentielle de la construction de la personne et de l’éducation du citoyen.
Dans le cadre de sa mission d’éducation et en complément du rôle de premier plan joué par les familles, l’école a une part de responsabilité à l’égard de la santé des élèves et de la préparation à leur future vie d’adulte : l’éducation à la sexualité contribue de manière spécifique à cette formation dans sa dimension individuelle comme dans son inscription sociale.

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La fonction de l’orgasme selon Wilhelm Reich (1897-1957)

La fonction de l’orgasme selon Wilhelm Reich (1897-1957)

http://www.cairn.info

Joël Bernat

JOËL BERNAT est psychanalyste, membre de l’Association psychanalytique de France et de l’Association psychanalytique internationale. Ses travaux actuels portent sur les théories de la sexualité.

joel.bernat.at.free.fr

de 1919 à 1930 environ, Freud voyait en Reich un excellent élève, prometteur, qu’il protégeait des attaques des autres analystes. Lorsque Reich lui remit son premier livre, La Fonction de l’orgasme (Reich, 1970), Freud s’exclama : « Si gros que ça ! » Exclamation révélatrice : Freud a étudié la sexualité, mais jamais l’orgasme, tant cela devait lui sembler un phénomène secondaire qui conclut l’activité…

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Comment bien traiter la sexualité des enfants

« Les enfants ne peuvent pas être effrayés par la sexualité et l’intimité. Ceci ne signifie pas que les enfants ne doivent pas être informés au sujet de l’exploitation sexuelle. Aujourd’hui, toutefois, nous devons trop souvent constater que les enfants sont d’abord informés sur ce qui peut mal tourner dans une relation (sexuelle) avant d’être informés correctement sur la sexualité et l’intimité en général.

Constamment, d’ailleurs, les enfants indiquent eux-mêmes le manque troublant d’informations suffisantes et de qualité. Une interprétation positive de la sexualité et de l’expérience sexuelle peut aider les enfants à faire mieux et plus vite la différence entre ce qu’ils veulent réellement eux-mêmes et ce qui risque de leur être imposé. »

(Rapport final de la commission nationale contre l’exploitation sexuelle des enfants 23.X.1997)

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La barbarie

Par Michel Henry

Préface à La barbarie, octobre 2000,

Ce livre est parti d’un constat simple mais paradoxal, celui d’une époque, la nôtre, caractérisée par un développement sans précédent du savoir allant de pair avec l’effondrement de la culture. Pour la première fois sans doute dans l’histoire de l’humanité, savoir et culture divergent, au point de S’opposer dans un affrontement gigantesque-une lutte à mort, S’il est vrai que le triomphe du premier entraîne la disparition de la seconde. Lire la suite

Éducation : un siècle de rupture inachevée ou UBU à l’école

Par Hugues Lenoir, hugueslenoir.fr

Éducation : un siècle de rupture inachevée

ou UBU à l’école

« Et sur les indications du Diable,

on créa l’école »

A. Ferrière

Cette réflexion fut conduite lors de la préparation du Colloque Recherches et innovations en formation d’adultes1. Elle annonce mon intervention sur la question de l’actualité de l’autogestion pédagogique2 car j’y pose la question du rôle du facilitateur – au sens de Carl Rogers – et de l’autogestion en éducation. Elle la prolonge aussi au sens où elle aborde la nécessaire et inéluctable rupture avec le pédagogisme autoritaire et dominant d’aujourd’hui, exercé bien souvent sans conscience. Elle est encore le fruit d’un constat, celui qu’il n’existe pas d’innovation en pédagogie – seuls des outils nouveaux existent qui créent l’illusion de l’innovation – et que la pédagogie lorsqu’elle est considérée comme innovante, au-delà de sa fréquente marginalisation, porte toujours en elle un projet libérateur à forte connotation politique et sociale. Il s’agit donc ici, sans revenir ni sur l’histoire des mouvements pédagogiques se réclamant de l’École nouvelle, ni sur les femmes et les hommes qui l’inspirèrent et l’animèrent, de pousser ma compréhension et mon questionnement sur la nature et les fonctionnements de la sphère éducative qui – qu’elle concerne les enfants, les jeunes ou les adultes – a plus vocation à conformer qu’à émanciper. L’école et les institutions éducatives en général opposent depuis plus d’un siècle deux conceptions du monde et de la société, l’une libertophile qui par sa philosophie, ses valeurs et ses pratiques tend à ouvrir les esprits en les débarrassant du mythe d’un salut par l’Église et son dieu ou par l’État et ses hommes providentiels, l’autre liberticide et autoritaire qui souhaite assagir et moraliser, voire soumettre, les individus, en particulier ceux issus de la classe dangereuse à des idoles laïques ou non. Ces postures idéologiques renvoient chacune à des conceptions du « bon maître », à des pratiques et des méthodes en articulation étroite, même si elles demeurent non dites, avec les soubassements et les systèmes de valeurs qui les irriguent.

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Propos d’éducateur

L’ÉDUCATION

La Ruche 57

Par Sébastien Faure

Données générales

On aurait peine à imaginer le nombre considérable de personnes qui, de vive voix ou par correspondance, nous ont exprimé le désir d’être renseignées sur les procédés pédagogiques et les méthodes éducatives en usage à la Ruche.

Ils sont légion déjà : les professeurs des deux sexes qu’intéressent ces procédés; les pères et mères de famille que préoccupent ces méthodes et qui, les uns et les autres, s’inquiètent des résultats obtenus.

Ce n’est pas que, à la Ruche, nous ayons inventé quoi que ce soit, ce n’est pas que nous nous flattions d’opérer des miracles. Nous n’avons pas cette sorte de vanité.

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L’humiliation des élèves dans l’institution scolaire : contribution à une sociologie des relations maître-élèves

L’humiliation des élèves dans l’institution scolaire : contribution à une sociologie des relations maître-élèves

Par Pierre Merle

Écoliers, collégiens et lycéens partagent de multiples expériences scolaires qui sont, peu ou prou, marquées par l’humiliation, l’injure, la vexation, la moquerie, la honte… Dans cet article, afin d’éviter des périphrases inutiles, le terme « humiliation » sera préféré et sollicité dans un sens générique. Ce terme, le plus employé par les élèves, présente en effet l’avantage d’appréhender de façon syncrétique une dimension majeure de leur histoire scolaire, celle du rabaissement de soi. Les ex-élèves interrogés, même ceux de notre échantillon a priori protégés des affres scolaires ordinaires (cf. annexe), sont en effet particulièrement prolixes sur cet aspect de leur scolarité. La fréquence des .histoires d’humiliation livrées au chercheur démontre leur importance pour les enquêtes, et constitue, plus largement, une des descriptions possibles de ce qui se passe dans une classe et dans un établissement.

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Préface de « C’est la faute aux profs ! » de Roger-Henri Guerrand

Par Roger-Henri Guerrand

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On commence enfin à se rendre compte que les instituteurs, ces nouveaux acteurs du drame social qui apparaissent en nombre à la fin du XIX ème siècle, furent les meilleures courroies de transmission de l’idéologie des classes dirigeantes dans les milieux populaires. C’est bien avant I’avènement du régime de Vichy qu’aurait pu être inscrite au fronton des écoles publiques la devise obligatoire entre 1940 et 1944 : «Travail, Famille, Patrie». L’honnête travailleur respectueux des droits du patron a été produit en masse par les écoles primaires tout autant que le vaillant combattant des guerres coloniales.

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Parent : emmerdeur public N°1 !

http://education3.canalblog.com/

Par Bernard Collot

Bernard Collot analyse la place du parent d’élève dans l’école française :  » Le parent est condamné par rapport à l’école à être ou un soumis passif, ou un emmerdeur »…

« Il faut éliminer totalement les parents de l’école ! », c’est ce que j’ai lu il y a quelques temps dans le blog de JP Brighelli. Heureusement que leur élimination ne concernait que l’école puisqu’il faut bien qu’ils lui fournissent de quoi exister, à cette école !

Bien sûr, pour la commodité, le parent est transformé en « parent d’élève ». Curieuse association sémantique. Dans le langage courant, le parent est un géniteur, celui qui donne naissance et qui protège. Un parent ne peut donc générer qu’un enfant, jamais un élève. Par contre qui peut, peut-être, générer un élève ? L’école et ses enseignants bien évidemment. La parente d’un élève, c’est l’école ! L’élève étant alors un objet à façonner. Le système éducatif est bien conçu comme une chaîne industrielle de production : détermination de l’objet à produire et de ses caractéristiques, découpage des opérations à effectuer (greffage des connaissances) dans une succession de maillons (programmes, matières, classes), vérification à chaque maillon de la conformité de la production, etc.). De par son essence, il ne peut logiquement « traiter » que des objets. L’enfant, pendant une partie de sa construction d’enfant en adulte, change quotidiennement de l’état enfant (sujet) à l’état d’élève (objet), son géniteur devant le laisser aux bons soins de professionnels, les yeux fermés.

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Des trois métamorphoses

Par Friedrich Nietzsche

Traduction de Hans Hildenbrand

Dans les discours de Zarathoustra

1. Je vous nomme trois métamorphoses de I’esprit : comment I’esprit devient chameau, le chameau lion, et enfin le lion enfant.

2. Bien des choses sont lourdes pour I’esprit, pour I’esprit fort et endurant que le respect habite : sa force réclame la chose lourde et la plus lourde.

3. Qu’est-ce qui est lourd? demande I’esprit endurant et il pose ses genoux en terre comme le chameau et veut être bien chargé.

4. Qu’est-ce qui est le plus lourd? demande l’esprit endurant. Dites-le, vous les héros, afin que je le prenne sur moi et que je jouisse de ma force.

5. N’est-ce pas ceci : S’humilier pour faire mal à son orgueil? Faire briller sa folie pour tourner en dérision sa sagesse?

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Une école où la vie s’ennuie n’enseigne que la barbarie

Par Raoul Vaneigem

Avertissement aux écoliers et lycéens - R. Vaneigem

Une école où la vie s’ennuie n’enseigne que la barbarie

Le monde a changé davantage en trente ans qu’en trois mille. Jamais – en Europe de l’ouest tout au moins – la sensibilité des enfants n’a autant divergé des vieux réflexes prédateurs qui firent de l’animal humain la plus féroce et la plus destructrice des espèces terrestres. Pourtant, l’intelligence demeure fossilisée, comme impuissante à percevoir la mutation qui s’opère sous nos yeux. Une mutation comparable à l’invention de l’outil, qui produisit jadis le travail d’exploitation de la nature et engendra une société composée de maîtres et d’esclaves. Une mutation où se révèle la véritable spécificité humaine : non la production d’une survie inféodée aux impératifs d’une économie lucrative, mais la création d’un milieu favorable à une vie plus intense et plus riche.

Notre système éducatif s’enorgueillit à raison d’avoir répondu avec efficacité aux exigences d’une société patriarcale jadis toute puissante; à ce détail près qu’une telle gloire est à la fois répugnante et révolue.

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Ce qui s’enseigne par la peur rend le savoir craintif

Par Raoul Vaneigem

Avertissement aux écoliers et lycéens - R. Vaneigem

Ce qui s’enseigne par la peur, rend le savoir craintif

L’autorité légalement accordée à l’enseignant prête un goût si amer à la connaissance que l’ignorance en arrive à se parer des lauriers de la révolte. Celui qui dispense son savoir par plaisir n’a que faire de l’imposer mais l’encasernement éducatif est tel qu’il faut instruire par devoir, non par agrément.

Essayer donc de prôner une compréhension mutuelle entre un professeur pénétrant dans sa classe comme dans une cage aux fauves et des potaches rompus à esquiver le fouet et prêts à dévorer le dompteur! Alors que l’autocratisme est partout battu en brèche en Europe en occidentale, l’école reste dominé par la tyrannie. C’est à qui aboiera le plus fort dans une arène où les frustrations se déchirent.

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Démilitariser l’enseignement

par Raoul Vaneigem

Avertissement aux écoliers et lycéens - R. Vaneigem

Démilitariser l’enseignement

L’esprit de caserne a régné souverainement dans les écoles. On y défilait au pas, obtempérant aux ordres de pions auxquels ne manquaient que l’uniforme et les galons. La configuration du bâtiment obéissait à la loi de l’angle droit et de la structure rectiligne. Ainsi l’architecture s’employait-elle à surveiller les écarts de conduite par la rectitude d’une austérité spartiate.

Jusque dans les années soixante, l’institution éducative demeura pétrie de ces vertus guerrières qui prescrivaient d’aller mourir aux frontières plutôt que de s’adonner aux plaisir de l’amour et du bonheur. Une telle injonction sombrerait aujourd’hui dans le ridicule mais, en dépit de la mutation amorcée en  mai 1968 et du discrédit dans lequel est tombée l’armée d’une Europe sans combat ( à l’exception de quelques guerres locales où elle dédaigne intervenir), il serait excessif de prétendre qu’est frappée de désuétude la tradition de l’injonction vociférée, de l’insulte aboyée, de l’ordre sans réplique et de l’insubordination qui en est la réponse appropriée.

L’autorité presque absolue dont le maître est investie sert davantage l’expression de comportements névrotiques que la diffusion d’un savoir. La loi du plus fort n’a jamais fait de l’intelligence qu’une des armes de la bêtise. Beaucoup rechignent, sans doute, à n’avoir ainsi que le droit de se taire. Mais tant qu’une communauté d’intérêt ne situera pas au centre du savoir les inclinations, les doutes, les tourments, les problèmes que chacun ressent au fil du jour – c’est-à-dire ce qui compose la part la plus importante de sa vie -, il n’y aura que la morgue et le mépris dont le sens ne nous concerne pas vraiment en tant qu’êtres de désir.

En finir avec l’éducation carcérale et la castration du désir

Par Raoul Vaneigem

Avertissement aux écoliers et lycéens - R. Vaneigem

Hier encore instillé dès la petite enfance, le sentiment de la faute élevait autour de chacun la plus sûre des prisons, celle où les désirs sont emmurés. Pendant des millénaires, l’idée d’une nature exploitable et corvéable à merci a condamné au péché, au remords, à la pénitence, au refoulement amer et défoulement compulsif la simple inclination à jouir de tous les agréments de la vie.

Quelle devrait être la préoccupation essentielle de l’enseignement? Aider l’enfant dans son approche de la vie afin de lui apprendre à savoir ce qu’il veut et à vouloir ce qu’il sait; c’est-à-dire à satisfaire ses désirs, non dans l’assouvissement animal mais selon les affinements de la conscience humaine.

L’inverse s’est produit. L’apprentissage s’est fondé sur la répression des désirs. On a revêtu l’enfant d’angéliques habits sous lesquels il n’a cessé de faire la bête, une bête dénaturée de surcroît. Comment s’étonner que les écoles imitent si bien, dans leur conception architecturale et mentale, les maisons de force où les réprouvés sont exilés des joies ordinaires de l’existence?

Avertissement aux écoliers et lycéens

par Raoul Vaneigem

Avertissement aux écoliers et lycéens - R. VaneigemAvertissement aux écoliers et lycéens

L’école a été, avec la famille, l’usine, la caserne et accessoirement l’hôpital et la prison le passage inéluctable où la société marchande infléchissait à son profit la destinée des êtres que l’on dit humains. Le gouvernement qu’elle exerçait sur des natures encore éprises des libertés de l’enfance, l’apparentait, en effet, à ces lieux propres à l’épanouissement et au bonheur que furent – et que demeurent à des degrés divers – l’enclos familial, l’atelier ou le bureau, l’institution militaire, la clinique, les maisons d’arrêt.

L’école a-t-elle perdu le caractère rebutant qu’elle présentait aux XIXe et XXe siècles, quand elle rompait les esprits et les corps aux dures réalités du rendement et de la servitude, se faisant une gloire d’éduquer par devoir, autorité et austérité, non par plaisir et par passion? Rien n’est moins sûr, et l’on ne saurait nier que, sous les apparentes sollicitudes de la modernité, nombre d’archaïsmes continuent de scander la vie des lycéennes et des lycéens.

L’entreprise scolaire n’a-t-elle pas obéi jusqu’à ce jour à une préoccupation dominante: améliorer les techniques de dressage afin que l’animal soit rentable?

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La trahison de l’instruction publique

par Denis De Rougemont – 1929 – à lire sur panarchy.org

(Ici, le procureur prit un ton plus grave).

L’école s’est vendue a des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir, son unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison des clercs» décrite par M. Julien Benda. Notre époque paiera cher ce crime contre la civilisation. Elle ne croit plus qu’au péché contre les lois sociales, eh! bien, elle apprendra que le seul péché qui n’a pas de pardon c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtes de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’était trop laid ».)

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La machine à fabriquer des électeurs

par Denis De Rougemont – 1929 – à lire sur panarchy.org

Je crois a l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut reformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue de quel droit il nous écrase.

La réponse est simple, terriblement simple: du droit de la Démocratie.

L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. Elles ont crû et embelli d’un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écouter ce que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque.

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Jules Ferry : des repères brouillés

Claude Lelièvre – Université Paris V – Lelièvre Claude. Jules Ferry : des repères brouillés. In: Communications, 72, 2002. L’idéal éducatif. pp. 141-158.

Jules Ferry : des repères brouillés
Jules Ferry a quitté le pouvoir ministériel en 1885, haï par la droite et détesté par une partie de la gauche. Il est devenu de nos jours une référence quasi consensuelle. Surprenante métamorphose. Chaque ministre successivement ne manque pas de tenter de légitimer tel ou tel aspect de sa politique scolaire en invoquant l’autorité d’un Jules Ferry le plus souvent mythique. Plus étonnant et plus préoccupant encore, des intellectuels de toute obédience se réfèrent volontiers à lui pour tenter de conforter des positions pourtant très différentes sur l’École.
Ce quasi-consensus tous azimuts et des plus ambigus appelle à l’évidence la méfiance et la vigilance. On peut d’ailleurs peut-être y lire l’annonce que l’École de Jules Ferry est morte, que les enjeux scolaires d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec ceux de la République triomphante. Si l’œuvre scolaire de Ferry n’est plus d’actualité, chacun peut en effet le prendre à témoin sans risque majeur afin de conforter les thèses les plus opposées. Les confusions, les détournements ou les glissements de sens en seraient d’autant facilités. Ce qui ne signifie pas, en tout état de cause, qu’ils n’ont pas de significations ou d’enjeux.
Pour que le débat sur l’École progresse, pour que l’on déplace les lignes dans lesquelles il est foncièrement englué, il est sans doute nécessaire – entre autres – que des réponses historiquement circonstanciées et, a fortiori, un Ferry mythique cessent de biaiser et d’égarer les problématiques scolaires et éducatives actuelles. C’est une tâche à l’évidence longue et difficile. Raison de plus pour l’entreprendre tout de suite.

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L’École et l’inflation des sanctions

par François Jarraud – le 26 avril 2013

Le régime des sanctions peut-il nuire à l’ordre scolaire ? C’est ce qu’a montré Benjamin Moignard, maître de conférences à l’Observatoire Universitaire International de l’Éducation et de la Prévention, lors d’une conférence donnée à l’Observatoire des zones prioritaires (OZP) le 24 avril. La masse des sanctions, leur concentration sur certains élèves, le sentiment d’injustice que cela crée contribuent fortement à la détérioration du climat scolaire. Certains établissements échappent à cette inflation des peines. C’est donc que des solutions existent…

 Que sait-on du nombre de sanctions données chaque année dans les établissements scolaires ? Pas grand chose explique Benjamin Moignard. Ce spécialiste de l’ordre scolaire et de ses effets a suivi de près une centaine d’établissements pour recueillir et analyser le nombre et les types de sanctions données sur le terrain. Il a ainsi collecté un matériel tout à fait nouveau et qui éclaire fortement la vie intérieure des établissements.

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La destruction de l’école primaire

par Pierre Frackowiak le

Le bilan de M. Darcos est catastrophique pour l’école primaire. Les conséquences les plus graves de la destruction de l’école primaire engagée après 2002 et renforcée en 2005, dans la perspective ultra libérale actuelle, ne seront réellement perceptibles que dans quelques années. Pierre Frackowiak, inspecteur honoraire de l’Education Nationale revient point par point sur les dérives que constituent: Les nouveaux vieux programmes, le service minimum d’accueil, le soutien et les stages de remise à niveau et le renforcement de l’autorité hiérarchique.

La destruction de l’école primaire

L’heure d’un premier bilan
De nombreux spécialistes, comme Claude Lelièvre, historien de l’éducation, récemment dans le Monde, des syndicalistes, des responsables de mouvements d’éducation populaire, des pédagogues célèbres comme Philippe Meirieu, André Giordan, Eveline Charmeux, Gérard de Vecchi, des praticiens reconnus comme Sylvain Grandserre, et tant d’autres personnalités, répètent inlassablement que nous assistons depuis quelques années à une terrible entreprise de destruction de l’école. Les démonstrations sont faites, elles ne sont guère contestables : nous allons à la catastrophe.

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Le conflit dans l’école : question scolaire et question sociale

Pierre Merle – CREAD – Université de haute Bretagne, Rennes II

Dans les analyses ordinaires du fonctionnement de l’école, la notion de violence dépasse largement celle de conflit. L’auteur veut montrer que la hiérarchie doit être inversée. En effet, les formes de violence sont statistiquement moins nombreuses qu’il n’y paraît et les violences “graves”, relativement rares, ne concernent qu’une frange limitée d’élèves d’origine populaire. Si l’on s’intéresse aux sanctions, on relève la même distribution sociale. Il s’agit d’une population d’élèves mal intégrés à la société scolaire, mal aimés, en échec. Quand les relations pédagogiques, les situations didactiques se détériorent, conflits, incivilités et réactions violentes ne sont pas loin. Or, tout montre que la violence institutionnelle de l’école s’est accentuée, en termes de normativité, d’humiliations, de logiques d’exclusion – autant de sources permanentes de conflit, souvent ignorées, voire déniées.

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De la contestation de l’école aux écoles de la contestation

par Grégory Chambat – le 18/09/2012

Alors que le nouveau gouvernement multiplie les appels incantatoires à une « refondation de l’école », il est bon de revenir sur la contradiction fondamentale qui travaille les systèmes éducatifs des sociétés capitalistes, et plus précisément ici revenir sur l’histoire de l’école française qui, pour avoir rompu formellement avec une « école de Jules Ferry » profondément inégalitaire (du point de vue de la classe comme du genre) et violemment nationaliste, n’est pas pour autant devenue une école de l’émancipation. C’est ce que propose ici Grégory Chambat, enseignant en collège et membre du comité de rédaction de la revue N’Autre école. Il est également l’auteur de Apprendre à désobéir, petite histoire de l’école qui résiste (CNT-RP éditions, mai 2012) et Pédagogie et révolution, questions de classes et relecture pédagogique (éditions Libertalia, octobre 2011).

Entre émancipation et domination1, la question scolaire comme la pédagogie s’enracinent dans un projet social. Il y a bien deux manières opposées – et définitivement inconciliables – d’éduquer et d’enseigner.

Aussi, face au modèle éducatif et pédagogique officiel, les dominés n’ont-ils jamais ménagé leurs efforts pour imaginer et mettre en pratique une autre éducation. Cette résistance a façonné l’histoire de l’école – et de sa contestation -, au travers de combats menés hors du système mais aussi en son sein. « L’institution, écrit Edwy Plenel dans La République inachevée, est en elle-même un champ de luttes, parce que des demandes contradictoires s’y affrontent et, surtout, parce que l’école n’est pas dans un rapport d’instrumentalisation directe par la classe dominante2. » Mais ces subversions ne restent possibles – et compréhensibles – que seulement, et seulement si, on s’efforce de démonter les mécanismes de certains mythes fondateurs, à commencer par celui de l’école de Jules Ferry, plutôt que d’en célébrer la mémoire…

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Des punitions interdites persistantes

|  Par claude lelièvre

L’interdiction de certaines punitions est le plus souvent perçue comme l’effet de prescriptions post-soixante-huitardes «laxistes» alors que cela remonte à l’instauration de l’École républicaine.

 Ainsi, il y tout juste dix ans, la circulaire de juillet 2000 portant sur les sanctions disciplinaires dans l’enseignement secondaire a rencontré l’incrédulité voire l’hostilité de nombreux professeurs . Notamment la fin du passage sur les punitions autorisées, qui indiquait :  » Il n’est pas permis de baisser la note d’un devoir en raison du comportement d’un élève ou d’une absence injustifiée. Les lignes et les zéros doivent également être proscrits « . En partie sur la base d’un malentendu. Certains ont cru que l’usage du zéro était prohibé dans le cadre même de l’évaluation des travaux des élèves ; or la circulaire ne prônait de fait aucun laxisme dans la notation. Il s’agissait de séparer très nettement ce qui relève du comportement ( de la discipline ), de ce qui a trait à l’apprentissage scolaire (aux disciplines ).

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L’humiliation des élèves, une pratique anti-pédagogique

à lire à cette adresse www.educ-revues.fr

Pierre Merle, Professeur de sociologie, IUFM de Bretagne

Peu étudiée par les chercheurs, l’humiliation scolaire existe bel et bien d’après les enquêtes et les témoignages recueillis. Ces pratiques qui rabaissent l’élève ont des effets largement méconnus sur les processus d’apprentissage et l’estime de soi.

Les images anciennes du bonnet d’âne, les souvenirs des professeurs cassants, les expériences individuelles plus ou moins malheureuses de beaucoup d’élèves n’ont guère suscité la curiosité des chercheurs. La sociologie de l’humiliation des élèves est quasi inexistante. Une des premières recherches abordant indirectement ce thème est due à François Dubet (1991)1 pour qui le « mépris » ou le « manque de respect » constitue une sorte de fil rouge sans lequel l’expérience lycéenne ne peut être véritablement comprise. Parmi d’autres éléments de bilan, on notera que le terme « humiliation » n’est que très rarement répertorié comme mot clé dans les bases de données de la recherche en éducation. Dans l’index thématique des recherches parues dans la Revue française de pédagogie de 1967 à 1992, revue de référence dans le domaine des sciences d’éducation, le terme « humiliation » et ses synonymes ne sont pas cités une seule fois. De cette rapide synthèse, il ressort que l’humiliation est un objet de recherche sensiblement délaissé. Les pratiques d’humiliation des élèves ainsi que les effets qu’elles produisent sur eux restent donc largement méconnues.

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Faut-il en finir avec les notes ?

par Pierre Merle – le 2 décembre 2014

La notation des élèves est de plus en plus contestée, notamment par les chercheurs. Pierre Merle fait une synthèse des conclusions de ces travaux au moment où les institutions s’emparent de la question et propose des pistes pour renouveler les pratiques d’évaluation des élèves.

Prévue pour la fin de l’année 2014, la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves a « pour mission d’élaborer des recommandations sur l’évolution du système d’évaluation des élèves ». Depuis plus d’un demi-siècle, des chercheurs de différentes disciplines ont mené des centaines de recherches utiles aux réflexions sur les pratiques d’évaluation des élèves. Cette contribution présentera d’abord un certain nombre de conclusions scientifiques avérées et proposera des changements souhaitables, eu égard aux résultats de la recherche.

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La semaine sanglante de janvier 2015. Pour un vrai débat de société, Hubert MONTAGNER

Hubert MONTAGNER

Professeur des Universités, ancien Directeur de Recherches à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

Comme tout citoyen, je m’interroge sur la semaine sanglante de janvier 2015 qui a fait chavirer notre âme et notre raison. Mais, au delà de la société française, il me semble évident que c’est la civilisation qui est touchée au coeur, c’est à dire, selon le LAROUSSE, dictionnaire de la langue française, « l’ensemble des comportements, des valeurs supposées témoigner des progrès humains, de l’évolution positive des sociétés (par opposition à barbarie) ». La blessure est profonde car la tragédie qui nous frappe est une injure à l’Evolution de l’espèce humaine.

Désormais, il faut résister avec la plus grande détermination aux ayatollahs et autres curés de toutes obédiences qui veulent nous enfermer dans une spirale ou une « logique » d’asservissement, qu’elles soient religieuses, politiciennes, économiques, culturelles, sociétales ou autres. Nous devons prendre le temps d’expliquer sans relâche aux « soldats » perdus, « en herbe » ou « en germe » qu’il n’y a pas de spiritualité, religieuse ou non, sans liberté de pensée et sans respect des autres. Il ne faut pas hésiter à souligner que, proclamé ou autoproclamé prophète ou non, il n’y a pas de « personnage » sacralisé, mythique ou gourou qui puisse détenir une vérité révélée. Même si, face au fanatisme, à l’endoctrinement et à l’enfermement quotidien dans un milieu clos, maltraitant, anxiogène, angoissant ou misérable, un tel pari peut paraître insensé ou impossible.

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