Inachever

Depuis la publication de mon premier roman en 2001, quelques modes opératoires se sont imposés à moi au fil des livres. Il arrive ainsi que le temps du premier jet soit assez ramassé et que ce dernier m’intéresse assez peu. Suivent ensuite trois ou quatre années de corrections qui vont du mot à mot jusqu’à l’invention d’une forme seconde, parfois sans rapport avec celle du premier jet. Cette seconde vie du manuscrit peut être longue, elle n’en reste pas moins celle qui m’intéresse au plus haut point. Durant ces trois ou quatre années, ma curiosité pour le manuscrit ne faiblit à aucun moment car je vois apparaitre, jusque dans les corrections les plus anodines, un texte ou un projet que je n’avais pas imaginé, et donc un auteur qui n’est pas exactement celui que je suis ; sans ambigüités je suis l’auteur du premier jet, dans lequel je me retrouve (mes tics d’écriture et de pensée) mais face à ce que devient le manuscrit au fil des corrections je deviens quelqu’un d’autre : l’auteur, c’est-à-dire quelqu’un que je ne connais pas si bien, dont je ne comprends pas toutes les raisons (car parfois cela va trop vite).

Dans les manuscrits, dans les repentirs et les corrections, on voit ainsi des personnages et des idées qui évoluent, des raisons ou des motivations qui se transforment. On voit aussi quelqu’un disparaitre (et ses formes figées de pensées, et ses façons caricaturales de s’exprimer ou de regarder le monde), et on voit quelqu’un apparaitre, dont on sait peu de choses, dont je sais peu de choses. « Je est un autre. »

Ce que je cherche en travaillant mes brouillons, c’est-à-dire en écrivant des romans ou des récits : me transformer, faire advenir quelqu’un qui me dépaysera. Quelqu’un qui balaiera l’individu sociable que je suis, poli et toujours prêt à prendre sur lui des choses qu’il aimerait pouvoir jeter à terre. Faire advenir une forme de sauvagerie. C’est là, me semble-t-il, une des fonctions de la création artistique : aller à contre sens des missions que la vie sociale nous assigne. Proposer une suspension de la compétition économique et des rivalités entre les personnes, chercher l’émotion et la beauté, être furieusement désirant ou dionysiaque.

Tout cela peut se comprendre lorsqu’on est attentif à ce qui se passe dans le manuscrit, aux corrections que l’on pourrait faire. Au cours des rencontres organisées par l’Imec, j’aimerais aider les élèves à comprendre l’intérêt fondamental de cette étape (le brouillon, les corrections). J’aimerais leur faire comprendre que l’écriture (du poème ou d’une forme narrative) ne consiste pas à avoir une bonne idée. Il s’agit d’accoucher, oui, mais d’une forme de vie inattendue, étrange, déstabilisante, que l’on aimera plus encore que son idée de départ, car elle nous enfantera à son tour, et j’apparaitrai renouvelé, transformé, à mes propres yeux. Je voudrais donc faire en sorte que ces temps de travail détachés de tout programme soient un moment d’affranchissement de ce qui a été prévu pour eux, un moment d’épanouissement imprévisible ; que les élèves touchent du doigt le fait que la littérature est le lieu de cette liberté.

Note d’intention de Arno Bertina, avec son aimable autorisation

1

La vieille petite Mercedes que j’ai reçue ne coûtait que quelques francs. Sa valeur financière ne peut que diminuer vu son état, mais elle a tout de même une grande valeur, une valeur sentimentale importante. Cette voiture vient du voisin de mon grand-père. Il lui a offerte peu de temps avant sa mort. La voiture a ensuite fait un tour dans l’univers de mon père, univers dans lequel les petites voitures prennent vie et racontent toute une histoire.

En 2014, mon grand-père est mort. Je n’avais alors que six ans et j’étais inconsolable. Mon père a donc décidé de me donner la Mercedes pour que je me souvienne de lui. Aujourd’hui, je n’ai plus de réels souvenirs. Les seules choses, les seuls moments dont je me rappelle, c’est quand il m’emmenait avec ma sœur au bois de Lebisey. On s’amusait dans le jardin, ou avec des petites voitures. A chaque fois que je les sors, je repense à lui et à ces quelques souvenirs.

Mercedes est une marque automobile qui n’a pour moi aucune valeur sentimentale. En plus, la Mercedes est en piteux état : elle était rouge avec des décorations blanches, mais aujourd’hui elle est devenue orange et il ne reste des décorations que des taches jaunies par le temps. Elle roule, ou plutôt elle glisse puisque ses roues sont bloquées et ne tournent plus, ce qui lui donne une allure assez étrange. La voiture semble fatiguée, usée par le temps. Après 60 ans d’utilisation, elle mériterait bien une retraite ! D’un autre côté, elle représente la vie de chaque voiture. Une voiture ça s’utilise, ça s’use plus ou moins bien et ça part à la casse, alors qu’elle est probablement réutilisable. Ma mère voulait emmener cette Mercedes à la poubelle, la case des jouets usés des enfants. Mais je ne veux surtout pas qu’elle visite ce lieu. Elle restera chez moi, dans mon monde et dans mes caisses de rangement.

Elle reflète aussi l’avenir de l’automobile. Beaucoup de gens voulait mettre cette voiture à la poubelle, ne plus la voir. L’automobile d’aujourd’hui est de plus en plus détestée, notamment à cause de son empreinte carbone trop élevée. Beaucoup de gens ne veulent plus voir de voiture circuler. Mais il reste toujours des passionnés qui essaient tant bien que mal de sauver les autos, particulièrement les anciennes.

2

Je me rappelle du moment où j’ai vu pour la première fois ce poignard. C’était lors d’un repas de famille, mes parents, mes tantes et ma grand-mère prenaient le café dans le salon. Je jouais dans la bibliothèque de la maison avec mon frère, jusqu’à ce qu’on trouve une boite avec dedans un objet en bois sculpté.

Je me souviens que ma grand-mère nous avait dit : «C’est le poignard de ton arrière grand-père.»

J’ai appris bien plus tard qu’il a été utilisé pendant la guerre d’Algérie.

Aujourd’hui, il repose encore dans la bibliothèque, à côté des livres comme si lui-mème était un livre d’histoire sur la guerre d’Algérie.

La couverture avait été rouge tout comme le fond de la boite, il y avait été inscrit «Le poignard de mon arrière grand-père» et les pages avaient été jaunes à cause du temps. C’est le seul souvenir que j’ai de lui avec aussi quelques photos mais ce poignard est plus marquant, car c’est un objet qui a été créé pour donner la mort. Il est vrai que cette arme a tué, mais a aussi sauvé et c’est important de le retenir.

Ce poignard a une histoire, celle qui s’est passée là-bas et qui continue même aujourd’hui.

3

Les fables de La Fontaine existent depuis des centaines d’années et pourtant, elles sont encore célèbres aujourd’hui. Les élèves les étudient encore à l’école même si les cours d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux d’il y a cent ans. Ces fables ont été publiées dans beaucoup de maisons d’édition et sous de nombreux formats qui ne m’intéressent pas vraiment. Cependant, je possède un exemplaire qui est très beau et spécial à mes yeux.

Mon livre est abîmé, illisible à certains endroits, notamment au niveau de la couverture mais malgré tout, je l’aime beaucoup. Les pages, jaunies avec le temps, sont parfois annotées. Même si je n’arrive pas à déchiffrer ces petites écritures, je trouve que cela donne un certain charme à l’ouvrage. Pour moi, les annotations transmettent une histoire, cela montre que le livre a servi et a plu. Cet ouvrage de fables contient l’équivalent de douze livres de La Fontaine. Celui-ci me vient de mes arrière-grands-parents : ma mère l’a trouvé dans le grenier de la maison d’enfance de mon grand-père avec l’aide de son frère puis l’a conservé jusqu’à me le transmettre lorsque j’ai dû apprendre une fable pour l’école car selon elle, « c’était plus amusant d’apprendre dans un vieux livre ».

Pourquoi ce livre est-il en notre possession ? Je l’ignore. Mais je me plais à imaginer mon arrière-grand-père, enfant, acheter son nouveau livre de fables pour l’école, tout heureux de son nouvel achat. Parfois, une autre version me vient à l’esprit, une version dans laquelle mes arrière-grands-parents l’achèteraient dans le but de se divertir. Ainsi, je me rends compte que nous partageons une passion commune : la lecture ! Bien sûr, je ne lis pas le même genre de livres qu’eux puisque la littérature a beaucoup évolué et s’est diversifiée mais cela nous fait tout de même un point commun et me permet de me sentir en quelque sorte liée à eux. Moi qui ne les ai pas connus, j’ai l’impression de posséder une part d’eux entre mes mains lorsque je tiens cet ouvrage et cela me donne l’impression de les connaître un peu mieux.

Ce livre raconte une histoire. Pas seulement par ce qui est écrit à l’intérieur mais par la façon dont ma famille se l’est procuré, dont elle l’a transmis et par la façon dont elle en a fait usage. Pour moi, ce n’est pas un livre, c’est notre livre. Grâce à cet ouvrage, j’ai réellement découvert l’existence de mes arrière-grands-parents auxquels je ne m’étais pas intéressée jusqu’ici mais également leurs centres d’intérêt et leurs passions. Ainsi, je peux affirmer qu’un « simple livre » m’a permis d’en savoir un peu plus sur mes ancêtres, sur ma famille. Pour moi, ce n’est pas le fait de posséder cet ouvrage de La Fontaine qui est intéressant, mais plutôt tout ce qu’il peut m’apporter sur l’histoire de mes arrière-grands-parents si on l’analyse un peu.

Cet ouvrage est bien plus qu’un simple livre de fables : c’est l’histoire de ma famille.

4

Je n’ai pas connu mon grand-père, il est décédé lorsque j’avais seulement quelques mois. Il était pompier professionnel à Paris, pendant ses années de service, il s’acheta un petit camion de pompier dans une boutique parisienne. Pendant des vacances, en rentrant voir sa famille et ses amis dans sa région d’enfance la Normandie, il y fera la rencontre de ma grand-mère. Après cet événement, il décida de démissionner de ce poste tant rêvé étant enfant, pour pouvoir rester au plus près de ses proches. Il le quitta sans regrets, il y avait vécu des hauts et des bas mais surtout ses meilleures années de jeune pompier. Quelques mois après sa démission, le couple s’installa dans leur ville d’enfance.

Le petit camion de pompier fut pendant des années sur la petite commode de leur salon. Au fur et à mesure du temps, il commença à rouiller et à prendre de la poussière, un bon coup de chiffon lui faisait de grands biens et tous ses plus petits détails ressortaient.

Des années après son décès, ma grand-mère m’offrit ce petit camion rouge rempli de souvenirs de mon grand-père. Il me faisait rêver de par sa signification : le courage, l’aide à la personne… mais aussi de ses risques et de ses dangers. C’était le métier d’un rêve, un métier magnifique rempli d’histoires et de sacrifices.

Je suis assez fière de ce petit camion de pompier. Aujourd’hui il se trouve sur une étagère de ma chambre, il est toujours rouillé mais il reste une magnifique signification.

5

Se trouvant à Londres pour apprendre l’anglais et pour son ancien petit boulot de baby-sitter, ma mère d’origine tchèque ayant ni famille ni amis, décida d’aller dans un bar pour faire des rencontres. Elle rencontra un groupe d’amis sud africains dont elle devint très proche. Après deux années passées en Angleterre, deux ans durant lesquels elle rencontra mon père, elle décida d’aménager en France avec lui. En signe d’adieux, un des sud africains lui donna son collier provenant de son pays. Ce collier représente pour ma mère l’amitié qu’elle entretenait avec le groupe d’amis sud africains. Une amitié qui n’a pas repris contact depuis son déménagement en France. Il peut aussi représenter le temps passé en Angleterre, une période de sa vie très importante car elle s’est fait beaucoup d’amis qu’elle a encore aujourd’hui et surtout elle a rencontré mon père. En donnant le collier les sud africains montre l’amitié qu’ils avaient pour ma mère. En le donnant on peut aussi penser qu’ils ont donner un bout de l’Afrique du Sud. On ne sait pas ce que représenter le collier pour la personne qui l’a offerte, peut-être que le collier avait une histoire ou peut-être que le collier n’était qu’un simple collier parmi tant d’autres. Le collier n’a pas vraiment de valeur pour nous car personne ne connaît son histoire sauf ma mère et moi désormais. Ma mère garde l’objet depuis toujours sans nous raconter pour autant son histoire. Donc pour toute la famille, cet objet n’évoque rien. Pour ma mère, cet objet retrace deux ans en Angleterre et un moment de sa vie inoubliable. Je ne sais pas si ma mère l’a un jour porté, je ne pense pas, mais depuis le collier est dans une boîte qui se trouve dans un placard avec plein d’autres bijoux.

6

Dans la chambre à coucher de mon arrière grand-mère, un objet m’intrigue, cet objet est majestueux. Il est d’une forme ovale avec un grand nœud autour qui le recouvre d’or. Ce miroir est d’un doré magnifique, mais il est un peu cassé, des bouts du nœud partent.

Alors je demande à mon arrière grand-mère de quand date ce miroir. Et d’où vient-il ? Elle me répond qu’il provient d’un château qu’elle me montre en peinture dans son salon. Elle me dit qu’elle a vécu dans ce château jusqu’à l’âge de dix ans.

Avec sa famille, ils ont du quittés ce château quand la deuxième guerre mondiale est arrivée. Suite à ce conflit armé, ils se sont installés loin dans une campagne. Le jour de la mort de ses parents, elle a hérité de la moitié des objets qu’ils possédaient car elle avait une sœur et un frère.

Mon arrière grand-mère a donc récupéré des peintures, des portraits, de la vaisselle, des meubles et d’autres objets, mais surtout ce miroir doré.

Face à la perte de son domicile, le miroir a été bouleversé donc abîmé, comme s’il ressentait ou vivait les émotions et qu’il ne serait jamais vu de la même manière. C’est pour cela qu’il se casse, il a subi des déplacements marquants et qui datent. Il devient très vieux.

Aujourd’hui, je me regarde dans ce miroir cassé. Ce pauvre miroir qui a été viré de chez lui. Il me fait apercevoir comme une sorte de magie. Je vois derrière moi en file indienne toute ma descendance, toutes ces personnes qui ont hérité ou vont hériter. Comme s’il voulait me montrer son histoire à travers lui. Ça me fait un peu peur de voir des espèces de fantômes qui me regardent. Un peu angoissant. Alors j’enfile vite ma combinaison et mes bottes et je pars en courant de la chambre pour rejoindre mon arrière grand-mère qui travaille dans les jardins.

7

Il y a neuf ans, avant de mourir, mon grand-père a légué à ma tante, une petite voiture orange qu’elle me légua à son tour. La voiture se trouvait dans une boite en verre. Quand ma tante me l’a donnée, j’ai aperçu en-dessous de la boîte ce qui semblait être un numéro de carte bancaire et un numéro de téléphone. Pour en être sûr, je suis allé demander à ma mère, elle me dit « oui, c’est bien le numéro de carte bancaire de ton grand-père, il l’avait écrit là, car il perdait la tête, en revanche, le numéro de téléphone n’est pas le sien, mais celui de ta tante qui avait Alzheimer ».

La fille avait donc choisi le même endroit que son père pour essayer de se raccrocher à la vie.

8

Mon objet est un canon charrette miniature, fabriqué avec des morceaux d’obus, par mon arrière grand -père pendant la seconde guerre mondiale.

Sur les roues du canon, on peut voir tous les détails du pliage des morceaux d’obus. A l’intérieur des roues, des barres ont été fabriquées à la dimension des roues pour qu’elles tiennent sans être soudées. Le châssis est fait pour que tous les morceaux posés dessus tiennent.

Ce canon charrette a été un objet de mort en taille réelle car c’est l’un des véhicule qui faisait le plus de morts pendant la seconde guerre mondiale, il lançait des obus. Quand les obus atterrissent, ils explosent et envoient plein de petits morceaux qui peuvent tuer ou couper un bras, une jambe, déformer le visage. Cette arme a été utilisée pour tuer des groupes de personnes massivement.

Ce canon en taille réelle est un objet de mort mais en miniature, il devient un objet d’amour envers mon arrière grand-père car c’est le seul objet qui reste de lui dans ma famille. C’est aussi est une grande histoire d’amour entre mon père et mon arrière grand-père, car quand mon père l’a retrouvé dans l’armoire, mon arrière grand-père lui a raconté toute l’histoire qu’il a vécue pendant la guerre.

9

Mon père a un amour pour les plantes. Il connaît tout sur elles, chaque type, de quoi elles ont besoin. Pour lui, les fleurs sont des êtres vivants, elles parlent, elles ont des sentiments, elles ont une âme.

Chez moi, il y a des plantes qui poussent depuis de nombreuses années, mon père en prend soin comme si elles étaient ses enfants. Il dit que s’il n’était pas là, les plantes seraient mortes car personne ne les traite comme lui. Pour chaque naissance de ses enfants, il a fait pousser une plante pour qu’elle grandisse en même temps qu’eux. Mon frère, mes deux sœurs et moi avons donc des plantes qui ont le même âge que nous.

En 2011, mon frère est décédé à l’âge de 14 ans. Mon père n’a pas jeté son pot, il a gardé sa plante pour sentir encore sa présence parmi nous. Pour lui, arroser sa plante, c’est comme nourrir mon frère. Sa plante continue de grandir comme s’ il était encore là. Sa plante était ordinaire comme la nôtre mais elle est maintenant différente de la nôtre, elle pousse tellement rapidement qu’elle recouvre la majeure partie du salon. Mon père a fait en sorte qu’elle n’aille pas plus loin. Elle entoure le cadre d’une photo de mon père jeune. Celle-ci est placée à côté de la mienne car mes parents disaient que mon frère m’aimait beaucoup mais je ne l’ai pas vraiment connu.

Si jamais cette plante pourrit ou plus directement meurt, on ne pourra jamais la remplacer. Pour mon père, ce serait comme une sorte de fin définitive, que l’âme est réellement partie. Si elle a réussi à tenir 27 ans, pourquoi ne tiendrait-elle pas encore plus ?

Si un jour mon père part, la plante de mon frère pourrira probablement autour du cadre de mon père.

10

Ma famille était d’une classe sociale favorisée, mon arrière-grand-père était un chef d’entreprise réputé en Algérie. Peu de temps après la naissance de mon grand-père, Émile, son père, lui a acheté une chaîne en or pour sa communion. A cette époque, le prix de l’or était élevé et assez rare. Alors qu’aujourd’hui, l’or est moins cher et plus accessible, pas besoin d’être issu d’une classe sociale très favorisée pour pouvoir en acheter. Pourtant, ma famille était mal vue par la société algérienne d’une part à cause de leur culte catholique dans un pays où la majorité de la population était musulmane, et d’autre part à cause de leur statut de colons.

La chaîne est plutôt fine, on pourrait même penser qu’elle peut se casser à n’importe quel moment. Grâce à son métal de fabrication, elle brille comme un soleil. Son pendentif est doté de douze rayons de soleil et d’un anneau de même taille que son visage. Il possède un visage relativement positif, souriant, qui peut nous faire penser à la lune de Méliès.

Les parents d’Émile ont simplement acheté la chaîne pour cet évènement, pourtant mon grand-père l’a gardée pendant des dizaines d’années. Il l’a s’en doute portée pendant son service militaire, sa traversée du Sahara ou même encore pendant le guerre de l’Indépendance de l’Algérie. Malgré la guerre, il a pris soin de cette chaîne.

Un an après l’Indépendance, il est venu en France où il a rencontré ma grand-mère, Françoise, peu de temps après son arrivée. Les années se sont écoulées, ils ont eu plusieurs enfants. Il portait toujours son collier, il en était fier. Pendant l’enfance de mes oncles et de ma mère, Émile racontait son histoire, ses exploits dont sa traversée du Sahara durant son service militaire. Fidèle à son collier, mais fidèle aussi à sa pipe en bois. Peu importe le moment, il avait constamment ces deux objets sur lui jusqu’à ce qu’il tombe malade.

Après son décès, ma mère a retrouvé la chaîne dans ses affaires. A cette chaîne de communion, elle a ajouté un pendentif qu’elle avait ramené de son voyage en Égypte avant ma naissance. Un jour qu’ elle faisait la touriste en regardant des objets classiques comme des porte-clefs ou même des cartes postales, elle a découvert une boutique artisanale qui vendait des bijoux. Elle a repéré un magnifique pendentif en forme de soleil. Il était fait du même or que la chaîne de mon grand-père. Ma mère l’a donc acheté dans l’idée de l’ajouter au collier de communion. Elle l’a conservé et l’a porté à son tour en signe d’hommage à son père. En le portant, elle trouvait un réconfort émotionnel. Elle me disait que quand le jour viendra, je pourrais le porter à mon tour.

C’est donc le jour de ma rentrée au lycée qu’elle me l’a confié. Aujourd’hui, je le porte chaque jour en hommage, mais aussi en pensant à mon grand-père.

11

Un jour, mon père m’a donné un petit porte-clefs tout déchiré. Aujourd’hui, je ne peux plus l’utiliser, donc il reste posé sur un meuble de ma chambre.

Sur ce porte-clefs, on peut voir le marteau et la faucille sur un fond rouge.

Je ne saurais dire si mon père est communiste, s’il me l’a donné pour me transmettre un idéal, une société sans religion, sans classe sociale et sans propriété privée, ou parce qu’au contraire cela n’a plus compté pour lui. Peut-être cela lui rappelle-t-il les millions de morts liés au régime totalitaire stalinien de l’Union Soviétique ? Peut-être ne l’a t-il plus voulu, ou peut-être ses opinions politiques ont-elles changé ? Ou alors, peut-être a-t-il voulu me faire part d’une idéologie qu’il considère importante et intéressante ? Ou bien, tout simplement, a t-il pensé que l’histoire du communisme pourrait m’intéresser ?

12

Mon arrière grand-mère était une femme élégante. Alors lorsque nous regardons cette très jolie montre qui lui appartenait, nous repensons à elle. Afin de continuer à faire vivre ce souvenir après son décès, ma grand-mère l’a récupérée, ainsi elle revient à nous. Plus tard, ma mère ou sa sœur vont la récupérer, puis elle me sera peut être léguée.

Elle portait cette montre le plus souvent durant de grandes occasions, telles que les fêtes ou quand elle recevait beaucoup de monde, alors que ma grand-mère, elle, n’a plus de bonnes occasions pour la porter.

Plus le décès de mon arrière grand-mère est lointain, plus la montre vieillit, posée sur un meuble du salon.

Les montres servent à mesurer les heures et les minutes, mais celle-ci, puisqu’elle ne fonctionne plus, sert à mesurer les années et les dizaines d’années qui passent depuis la mort de mon arrière grand-mère. Si cette montre a été un objet de distinction sociale à l’époque où ma grand-mère l’a possédée, ce n’est plus le cas, et sa valeur est désormais sentimentale. En effet, cette montre était un objet un peu cher, mais puisque qu’elle est dégradée, elle n’a plus énormément de valeur aujourd’hui.

Moins il y a d’argent, plus il y a de la place pour l’amour.

13

Mon frère et moi avons voulu vendre deux statuettes il y a quelques mois. Nous avons d’abord voulu le cacher à notre mère. Quand elle l’a appris, elle s’y est opposée fermement. Elle a tout d’abord expliqué les raisons pour lesquelles nous ne pouvions les vendre.

Elle a commencé à nous raconter l’histoire de cet achat. C’est mon arrière grand-père qui les a achetées lors d’une escale au Japon. Peu de temps avant sa mort (sachant que ses jours étaient comptés), il les donna à ma mère. Elle en prit grand soin. Puis les donna à son tour, à mon frère et à moi.

Je me suis dit que je m’apprêtais à vendre un objet qui était la tristesse de l’âme de la famille, ou de l’histoire de ma mère. De retour dans ma chambre, je la regarde, cette statue, sans savoir si je dois m’excuser auprès d’elle, lui expliquer que je ne savais pas. J’aimerais comprendre si, du coup, je vais devoir passer ma vie avec elle. Je suis perdu. Dois-je respecter ce don ou voir en elle une sorte de bourreau qui va me contraindre à vivre avec lui, mon arrière grand-père, jusqu’à la fin ?

14

Le récipient en céramique cylindrique blanc, avec un imprimé de différents tons de violet, a passé son enfance avec la mienne. L’imprimé était un chat, nommé Hello Kitty. C’est un personnage fictif créé par une société japonaise : une tête ronde et blanche, deux yeux ovales noirs, un nez jaune, deux grandes oreilles pointues et un nœud rose à l’oreille. Ce personnage était mon ami.

Après mon déménagement, je suis entrée en grande section dans une nouvelle école. Par manque de chance, j’étais souvent seule. Les groupes d’amis étaient déjà créées, et moi je ne pouvais m’imposer, j’étais trop timide.

Tous les soirs après l’école, j’espérais voir mon père à la maison. Mais personne.

Le soir, ma mère me couchait mais je ne m’endormais pas. J’attendais le bisou du soir de mon père mais ce n’est pas pour autant qu’il venait. Je n’ai aucun beau souvenir avec lui. Les seuls que j’ai, c’est moi pleurant pour qu’il m’emmène ou me récupère à l’école.

Ma mère souffrait de nous voir malheureux, ma sœur, mon frère et moi. Mais ne nous le montrait pas. Elle aimait nous faire plaisir en nous achetant des jouets et des vêtements. Je choisissais souvent des vêtements, décorations et jouets Hello Kitty. A la foire, je voyais souvent cette peluche Hello Kitty. Que je n’ai jamais réussi à avoir. Il me manquait trop de canards pour l’avoir, alors j’ai choisi une couronne de princesse. J’aimais me déguiser en princesse, comme dans les films Disney. Mes préférées étaient Cendrillon, Belle et Arielle.

Je regardais souvent des films sur la petite télé carrée dans ma chambre. On regardait souvent notre film préféré : Bee movie. Ou encore des épisodes de Pucca.

J’étais souvent avec ma tasse. Je buvais mon chocolat chaud le matin avec ma sœur aînée, devant les dessins animés avant d’aller à l’école. Et encore à l’heure du goûter avec des gâteaux au chocolat.

Cette tasse a jauni avec le temps. Mais quand je la regarde au fond du placard à vaisselle, un sentiment de nostalgie s’empare de moi. La détruire serait détruire les souvenirs de mon enfance.

15

Mes grands-parents avaient des cartes postales de chats dans leur cuisine. Quand ils partaient en voyage, ils ramenaient des cartes postales de chats. Ce sont aussi les voisins qui leur envoyaient des cartes postales de chats pendant qu ils étaient en vacances. Maintenant, ils en ont plein dans la cuisine, à chaque fois qu’on fait un pas, on voit forcement une carte postale de chats. Depuis mes grands-parents ont eux plusieurs chats, ils ont même eux des calendriers de chats.

A chaque fois que je vois une carte postale avec des chats, je pense à eux.

Je trouve que c’est un peu bête de penser à mes grands-parents par l’intermédiaire d’une carte postale de chats car je peux penser à eux avec autre chose. Même si une carte postale de chats me fera toujours penser à eux tout de même.

Je ne sais pas pourquoi mes grands-parents aiment énormément les chats. Je leur demanderais la prochaine fois que je les verrais.

16

Mitski,chanteuse américano-japonaise que je connais depuis 2013, m’accompagne depuis mon enfance et encore maintenant. Elle travaille ma perception du monde, sociale et sentimentale.A travers ses paroles, mais aussi ses prestations sur scène, on ressent une infime sensibilité qui nous transporte à travers son histoire.Mitski exprime souvent l’amour d’une façon poétique mais aussi dévastatrice.Moi, enfant, qui n’avais jamais ressenti une telle chose, elle arrivait à me faire comprendre ses sentiments.

Raconter l’histoire d’un objet, c’est admettre qu’il a une valeur particulière.

Regarder cet album de Mitksi « Laurel hell » me rappelle mes amis. Ce sont eux qui me l’ont offert en 2021, un souvenir assez drôle. Ils m’avaient appelée pour me dire qu’il y avait le feu dans la cuisine, mais c’était juste un prétexte pour fêter mon anniversaire surprise. Il y a encore cette odeur de jus de pomme dessus, tombé en pleine soirée, un souvenir cristallisé.

Cette pochette pleine de poussière au fil du temps montre l’enterrement d’une partie de ma vie. Mitski, qui m’a apportée tellement de belles choses, est devenue une sorte de souffrance. Un côté de la nostalgie qui me fait éprouver des émotions lointaines. L’écouter en est devenu difficile.

17

Mes arrières grand parents qui habitaient en Algérie, ont acheté un plat à tagine.

Le tagine algérien est un plat traditionnel en Algérie. Le plat est très joli, il y a des petits motifs dessus qu’on peut retrouver sur de nombreux objets au Maghreb. Il est rond avec un couvercle par dessus, en forme de pyramide.

Ce n’est pas qu’ un simple plat. Il permet de passer un moment heureux et convivial car tout le monde mange directement dans le plat avec un morceau de khobz. C’est culturel.

A l’époque, ma famille qui habitaient en Algérie, n’avait pas trop les moyens, et la vie n’était pas aussi simple que maintenant. Rien que pour boire de l’eau, qui se trouvait dans une fontaine, ils devaient aller à pied sous une grande chaleur.

Quand mes arrières grand parents sont décédés, ce plat à tagine est revenu à leur fille et son mari.

Des années plus tard, ma grand-mère a hérité du plat à tagine à elle seule, car malheureusement son mari est décédé. Ça l’attristait de se rendre compte qu’il ne faisait plus partie de ce monde maintenant. Ce plat lui faisait remonter de bons souvenirs, qu’ils ont pu partager autour de ces repas. Elle tenait beaucoup à le garder en bon état, car c’était un objet qui lui rappelait aussi ses parents. Quand ses enfants ont grandi, ils sont tous venus s’installer en France et ont fait de grandes études pour pouvoir travailler.

Quand ma mère a eu une maison et des enfants, ma grand mère lui a offert ce plat à tagine et lui a demandé de le garder précieusement. Maintenant, quand ma mère regarde ce plat, il lui rappelle ses grands parents mais surtout son père et la vie qu’elle vivait en Algérie. En moi, j’imagine les moments qu’elle a pu partager avec sa famille autour de ce plat.

Mais aussi, je repense au jour où je suis allée en Algérie étant plus petite, pour voir des personnes de ma famille qui habitent encore là-bas à l’heure d’aujourd’hui.

Et nous avions mangé un tagine tous ensemble, qui n’était pas dans la plat qui se trouve chez moi, mais dans un autre plat tout aussi ressemblant.

18

En étant plus jeune, j’ai trouvé un moulin à café sur une petite commode. Je suis allée voir ma grand-mère pour lui demander ce que c’était et surtout à quoi cela pouvait servir. Elle m’a expliqué que c’était un moulin à café et qu’il servait à moudre des grains de café. Mon arrière grand-mère s’en servait assez fréquemment. Ce moulin a ensuite été donné à ma grand-mère, elle s’en servait presque tous les matins car le café donne de l’énergie, de la force. Maintenant le moulin ne lui sert plus car elle a une machine à café. Une machine… Avec le temps, le moulin a été remplacé par une machine électronique. Un moulin ne pouvait soi disant plus marcher car il était moins performant comparé à une simple machine. Ce moulin à café ne sert pas simplement à faire du café : il nous fait voir que le monde évolue mais peut-être pas à la bonne manière car s’il n’y a plus d’électricité alors il n’y aura plus beaucoup de personnes qui pourront boire du café sauf ceux qui auront gardé leur moulin. Le moulin a café qui a été mis de côté ou démodé sera remis en service, il sera encore utile.

19

Mon objet est un harmonica qui appartenait à mon grand-père. C’est ma grand-mère qui me l’avait donné après le décès de mon grand-père pour garder un souvenir de lui. C’est un harmonica en bois et en métal, il est un peu en mauvais état car je ne l’ai jamais vraiment entretenu.

Mon grand-père aimait beaucoup jouer de la musique et plus particulièrement de l’harmonica et de la guitare. À chaque fois que je le voyais, il les avait toujours avec lui. Je pense que c’est un objet très symbolique et important pour moi car dès que je vois un harmonica, plus particulièrement celui de mon grand-père, cela me fait beaucoup penser à lui et je me rappelle à quel point il jouait bien de cet instrument.

Cet objet me rappelle sa manière d’être et de sa gentillesse. Il était toujours très joyeux et généreux avec sa famille et ses proches.

20

Une horloge ! Elle est en bois bleu ciel verdâtre avec des oiseaux mal peints, elle est épaisse, très épaisse. Elle est octogonale avec des aiguilles métalliques. Elle a trois heures et quelques minutes de retard. Un bruit qui me hante quand je dormais chez moi, mes grands-parents, un tic-tac des enfers. C’est horrible. Ma seule envie est de la détruire, de la brûler et de la jeter à la mer.

L’histoire de l’horloge est simple. Mon arrière grand-père l’a achetée, je ne sais pas où. Mon grand-père l’a reçue quand il a acheté sa maison, après son service militaire. Il a refusé de vendre l’horloge et il a voulu qu’elle reste dans le salon au-dessus du canapé. Il la donnera normalement à mon frère quand il achètera une maison. Mais il est comme pressé de s’en débarrasser, car aux dernières nouvelles, c’est maintenant le premier Lebidois qui achète une maison, sauf que mon frère et moi, on n’est pas pressé d’avoir une maison. Si ça se trouve, personne n’ose dire à mon grand-père qu’elle est laide et inutile, cette horloge, et qu’on pourrait arrêter de se la transmettre.

21

Auparavant, ma mère avait fait une photo d’elle, qu’elle avait mise dans un cadre afin de la garder comme souvenir.

Aujourd’hui, ce cadre reflète un passé où elle n’était pas malade, elle n’avait pas de chimiothérapies qui la changeait.

Sur cette photo, protégée dans un grand cadre à contours blancs, on peut voir une femme, avec de beaux yeux bleus, ainsi que de longs cheveux blonds et bouclés. On remarque aussi qu’elle affiche un beau sourire, mais derrière ce sourire se cache un passé qui n’a pas été facile. Le cadre serait imposant s’il était accroché à un mur.

Le cadre cache d’immenses sentiments, la plupart douloureux. Si je le revoyais aujourd’hui, je serais bouleversé car énormément de choses me manquent, c’est comme une nostalgie pour moi.

Parce qu’aujourd’hui, cela va faire deux ans que ma mère est atteinte d’un cancer du sein. Il est certainement le cancer le mieux traité, mais il s’avère qu’il est incurable pour elle.

Aujourd’hui je souhaiterais le revoir, pour savoir si j’aurais les effets de la nostalgie, et savoir ce que je ressentirais ; si je vais pleurer, si je vais être angoissé à l’idée qu’aujourd’hui, ma mère est différente car son cancer la change à petit feu , et la tue.

Ce cadre est pour moi comme un porte-bonheur, il a toujours accompagné ma mère depuis de nombreuses années.

22

L’objet que j’ai choisi est un autre Louis que moi. Il a appartenu à la famille de ma mère. D’abord acquis par la doyenne de la famille, la grand-mère de ma mère, il a été transmis à ma propre grand-mère, qui l’a chéri et souhaitait le transmettre à ses enfants. Après vingt ans de mariage, mon grand-père a fait monter le Louis d’or sur une bague pour que ma grand-mère puisse le porter en permanence. Malheureusement, mes grands-parents ont été contraints de le vendre il y a une dizaine d’années.

Ayant également un grand attachement sentimental à cet objet comme ma grand-mère, ma mère a décidé de racheter un Louis d’or similaire à celui que sa grand-mère avait apprécié, afin de continuer la tradition familiale de transmission de génération en génération. Cependant, il y a une contrainte que personne ne saura jamais : ma mère a décidé de ne pas révéler aux futures générations que le Louis d’or qu’elle compte transmettre n’est pas l’original qui appartenait à sa grand-mère, mais bien une copie . Elle souhaite que les prochaines personnes ayant le Louis d’or soient convaincues d’avoir l’original entre leurs mains, afin de préserver l’histoire et l’émotion attachées à cet objet de famille.

23

Quand mes parents se sont séparés, j’avais deux ans. Comme je n’ai aucun souvenir, ma seule preuve de leur amour est une bague, une bague que mon père avait offerte à ma mère à l’occasion de leurs fiançailles.

Elle est constituée de trois anneaux, tous attachés les uns aux autres ce qui lui donne une forme atypique. J’associe sa forme à mon père, ma mère et moi, tous reliés malgré la vie. Ma mère et mon père sont liés par moi, et je suis liée à eux par le sang. Je ne comprends pas pourquoi ma mère me l’a donnée. C’est un cadeau symbolique, un souvenir d’une partie de sa vie, d’un amour, de sentiments, de partage, de bonheur, de tristesse, de colère peut être même. C’est comme si elle avait cherché à s’en débarrasser en me la donnant. Car derrière ce geste simple, anodin et même d’apparence bienveillante, je trouve que me donner cette bague est une façon de renier une partie de sa vie. Comme si désormais, elle m’appartenait, elle, cette bague, avec leur histoire et les raisons de sa fin. Comme si c’était moi qui avait causé ça et donc à moi de la garder. Mais malgré ça, je décide de la porter tous les jours car c’est ma façon de me dire que je ne suis pas issue de deux inconnus. Que j’ai une histoire, une raison d’exister.

24

Cette bague appartient maintenant à ma mère. Elle s’est transmise de mère en fille dans ma famille. Elle a appartenu à mon arrière-arrière-grand-mère qui l’avait reçue en cadeau de sa marraine. On ne sait pas d’où elle vient vraiment, seulement que c’est un travail artisanal, l’oeuvre d’un bijoutier. Cette bague est avant tout un objet de valeur, de richesse. L’anneau est en or jaune, le dessus en or blanc. Si cette bague n’a pas pu être faite entièrement en or blanc, c’est que l’or blanc coûtait trop cher. Sur le dessus de cette bague, se trouve un petit diamant changé récemment.

Cette bague est issue d’une classe sociale plutôt paysanne, malgré la richesse qu’elle apporte. Elle provient de Charente Maritime, elle est donc arrivée jusqu’en Normandie.

Elle a traversé différentes époques qui n’ont fait qu’évoluer autour d’elle, aux mains de paysannes, puis aux mains de résistants. Mon arrière-grand-mère et mon arrière-grand-père faisaient partie d’un groupe de résistants durant la seconde Guerre mondiale. Cette bague rappelait à mon arrière grand-mère sa famille et la rassurait pendant que mon arrière-grand-père, capturé par les nazis, était torturé.

Pourtant, bien que les choses aient changé autour d’elle, la bague est toujours un objet d’actualité, elle se portait et se porte toujours maintenant. C’est toujours avant tout un objet de beauté que l’on s’offre en preuve d’amour, qui a été sorti à l’occasion de bals, de fêtes …ou porté dans la vie de tous les jours jusqu’à ce que la personne décède. C’est un bel objet, et c’est agréable de recevoir un objet dont on sait qu’il a appartenu à des personnes de sa famille que l’on n’a jamais connues, mais en même temps il y a une partie de tristesse, car pour en hériter, il faut qu’une personne de sa famille disparaisse.

Cette bague se range partout mais se perd aussi, fragile, et petite. Elle est toujours en bon état, ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et mon arrière arrière grand-mère en ont pris soin, elle a été bien conservée. Cependant, elle a aussi été laissée quelques fois à l’abandon dans un tiroir, oubliée, bien rangée dans sa petite boite, ou à prendre la poussière à la vue de tous. Elle n’évolue pas mais la personne qui la porte oui, sur des mains jeunes et douces ou des mains abîmées et ridées.

25

En questionnant mon entourage, j’ai découvert l’existence de deux bracelets rangés dans un meuble de la salle de bain. Ces bijoux n’appartenaient ni à moi ni à ma sœur, j’en ai déduit qu’ils étaient à ma mère alors je lui ai demandé de m’en parler.

Ces bracelets appartenaient à mon arrière grand-mère maintenant décédée. Mon arrière grand-père avait offert onze bracelets à sa femme. Lors de sa mort, ma grand-mère avait huit ans, c’est à ce moment là qu’elle les a récupérés.

Ma grand-mère a décidé d’en donner deux à chacune de ses cinq filles à leur mariage. Ma mère n’a plus de souvenirs de mon arrière grand-père et aucune de mes tantes ne l’ont connu. Je n’ai pas d’informations sur les huit autres bracelets, je ne sais pas si mes tantes les ont gardés.

Je sais que mon arrière grand-mère les portait très souvent alors que ma grand-mère ne les portait que lors de grandes occasions par peur de les abîmer. Ma mère ne les porte jamais car ils ne sont plus au goût d’aujourd’hui, elle préfère les garder comme souvenir. Quant à moi, je ne sais pas ce que j’en ferai. Je sais que l’un des deux bracelets me sera légué à la demande de mon arrière grand-père car il voulait que ces bracelets vivent la vie que sa femme n’a pas vécue. La mort nous coupe de la respiration, de la vie et plein de choses mais nos objets personnels continuent de vivre sans nous. Grâce à la mémoire fournie par nos objets, nous continuons de vivre. Si au contraire rien ne rappelle notre vie alors il y a là une mort réelle.

Ces bracelets ont beaucoup voyagé. Mon arrière grand-père les avait achetés en Algérie. Maintenant certains sont définitivement en Algérie dans diverses villes et d’autres sont en France. Ils n’ont pas fait que voyager, ils ont aussi assisté à différents moments de vie, ils ont pu voir des images ou des moments vécus par mon arrière-grand-mère et sa fille. Ces bracelets portent la vie, une vie qui n’est plus parmi nous.

Ces deux bracelets ont maintenant plus de 90 ans, pourtant ils sont toujours en bon état car mon arrière grand-mère en prenait bien soin mais ils ne sont plus aussi brillants et propres. J’ai pu voir des rayures très fines apparues par le fait qu’ils ont passé la plupart du temps rangé dans une petite boîte et qu’ils ont dû se rayer à force de frotter entre eux. Je pense que c’est de l’argent.

Depuis 1933, ils ont pu être témoins de la Seconde Guerre mondiale mais aussi de la guerre et de l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962. Au temps de l’indépendance de l’Algérie, ce bracelet était en possession de mon arrière-grand-père puisque sa femme est morte la même année. Je ne connais pas la date mise à part l’année de sa mort.

Si mon arrière-grand-père tenait tant à ce qu’on les garde, c’est peut-être que tous ces petits cercles gravés sur ces bracelets ne sont pas là que pour décorer. Peut-être qu’il n’y a pas que onze bracelets et que mon arrière grand-père les a donnés à une autre de ses filles. Pourquoi a-t-il décidé d’offrir à sa femme ce genre de bracelets ? Malheureusement, toutes ces questions demeureront sans réponses pour toujours.

Je vois ces bracelets comme une sorte d’énigme que personne n’a essayé de résoudre. Chaque famille a une histoire, bien gardée ou connue de tous. Le gardien de la nôtre ? Pour nous, ce sont ces onze bracelets.

26

Il était une fois un homme qui devint boxeur à 17 ans. Il n’était pas professionnel et pour autant n’était pas mauvais. Il épousa une femme incroyable qu’il rencontra lors d’un bal, dans un village. Durant toute leur vie, ils vécurent heureux et eurent deux filles pleines de vie. Elles choisirent toutes deux un sport de combat, le karaté. Pour s’entraîner, elles reçurent un punching-ball à Noël.

La vie des personnes que j’ai décrites sont celles de mes grands-parents, ma tante et ma mère. Le punching-ball a été donné à mon grand-frère, l’aîné, puis à mon autre grand-frère, le cadet, et enfin à moi. Après tous les coups qu’il a reçus, c’est entre mes mains qu’il a péri, à la suite d’un coup de poing envoyé à pleine puissance. Par la suite, il s’est fait remplacer par un autre, qui lui, était beaucoup moins résistant, il a donc fini sa vie de la même façon mais trop rapidement. Quelques années plus tard et encore à ce jour, je possède un sac de frappe et je sais qu’il durera bien plus longtemps qu’un punching-ball.

Le sac de frappe renvoie à la violence, la bagarre. Nous avons donc, en quelque sorte, transmis dans notre famille une passion pour la défense, le sport, le combat. Cela peut paraître fou de transmettre un plaisir de frapper. Peut-être que ce n’est pas une transmission faite dans le temps mais un caractère héréditaire, peut-être que c’était gravé dès la naissance, dans notre personnalité. Ce n’est pas totalement une passion pour la violence et la défense mais plutôt pour des sports intenses où il est question de combats, de coups. Le sac de frappe renvoie à la « gnaque », l’envie de réussir, le travail, la force, l’entraînement, la persévérance. Il correspond d’une certaine façon à ma vision du sport : devenir plus fort.

27

Mon arrière grand-père Roger est un ancien combattant de la guerre 1939-45, mutilé de guerre à l’œil droit et au bras droit. Au commencement de la guerre, Roger avait à peine l’âge adulte mais il voulait déjà combattre pour défendre son pays. Du jour au lendemain, sa vie fut très vite bousculée, Roger a été recruté dans l’armée.

Hélas, pendant plusieurs mois, il se trouve prisonnier dans le «  camp adverse ». Les semaines durent une éternité, il perd donc la notion du temps progressivement. Les conditions de vie étaient invivables, avec le sentiment de culpabilité d’avoir échoué. Les soldats prisonniers deviennent amis et ils tissent des liens forts en se soutenant dans un froid glacial. Roger n’avait plus l’espoir de revoir sa tendre sœur. Des journées et des nuits de terreur qui terrassaient sa famille sans l’aide masculine qu’apportaient son père et Roger.

La fin de la guerre est proche, Roger est libéré avec tous les autres soldats français. Il rentre dans sa maison qui ressemble à un désert, personne n’habitait dans cette maison depuis plusieurs mois.

Une année après, la vie de Roger se reconstruit doucement, il rencontre sa femme et il goûte au bonheur jusqu’à sa mort. Leurs deux enfants naîtront avant le mariage qu’ils se sont offert. Ils partent trois jours pour admirer les paysages qui fleurissent à nouveau, un renouveau pour sa vie, un cœur rempli de joie qui auparavant était totalement détruit par terreur de la seconde guerre.

Plus les années passaient, plus le corps de Roger commençait à fatiguer et on découvre une mal formation du cœur dont j’ai hérité. Alors son meilleur ami fabriqua une canne en bois de chêne luisante. Roger en prit soin pendant de longues années et cela se voit encore aujourd’hui.

En ce moment cette canne se trouve dans la maison de mes grand-parents. Le plus tard possible, j’hériterai de cette canne. Cet objet m’attache à un souvenir nostalgique, que je ne voudrais pas oublier. Les fragments de souvenirs de nos discussions avant son appel à mourir, pour ne plus souffrir.

Paradoxalement, mon arrière grand-père vieillit avec un handicap, sa canne. Aux yeux du monde, il sera toujours un combattant comme les autres, à travers ses sourires. Roger a eu le courage, la détermination et la beauté de mourir, fier de sa descendance.

28

Mon arrière grand-père Roger est un ancien combattant de la guerre 1939-45, mutilé de guerre à l’œil droit et au bras droit. Au commencement de la guerre, Roger avait à peine l’âge adulte mais il voulait déjà combattre pour défendre son pays. Du jour au lendemain, sa vie fut très vite bousculée, Roger a été recruté dans l’armée.

Hélas, pendant plusieurs mois, il se trouve prisonnier dans le «  camp adverse ». Les semaines durent une éternité, il perd donc la notion du temps progressivement. Les conditions de vie étaient invivables, avec le sentiment de culpabilité d’avoir échoué. Les soldats prisonniers deviennent amis et ils tissent des liens forts en se soutenant dans un froid glacial. Roger n’avait plus l’espoir de revoir sa tendre sœur. Des journées et des nuits de terreur qui terrassaient sa famille sans l’aide masculine qu’apportaient son père et Roger.

La fin de la guerre est proche, Roger est libéré avec tous les autres soldats français. Il rentre dans sa maison qui ressemble à un désert, personne n’habitait dans cette maison depuis plusieurs mois.

Une année après, la vie de Roger se reconstruit doucement, il rencontre sa femme et il goûte au bonheur jusqu’à sa mort. Leurs deux enfants naîtront avant le mariage qu’ils se sont offert. Ils partent trois jours pour admirer les paysages qui fleurissent à nouveau, un renouveau pour sa vie, un cœur rempli de joie qui auparavant était totalement détruit par terreur de la seconde guerre.

Plus les années passaient, plus le corps de Roger commençait à fatiguer et on découvre une mal formation du cœur dont j’ai hérité. Alors son meilleur ami fabriqua une canne en bois de chêne luisante. Roger en prit soin pendant de longues années et cela se voit encore aujourd’hui.

En ce moment cette canne se trouve dans la maison de mes grand-parents. Le plus tard possible, j’hériterai de cette canne. Cet objet m’attache à un souvenir nostalgique, que je ne voudrais pas oublier. Les fragments de souvenirs de nos discussions avant son appel à mourir, pour ne plus souffrir.

Paradoxalement, mon arrière grand-père vieillit avec un handicap, sa canne. Aux yeux du monde, il sera toujours un combattant comme les autres, à travers ses sourires. Roger a eu le courage, la détermination et la beauté de mourir, fier de sa descendance.

29

En 2017, j’ai perdu mon père brutalement. Mon père était mon exemple, mon confident, mon meilleur ami. Nous étions inséparables. Même quand je ne savait pas encore marcher, j’étais toujours avec lui pendant qu’il bricolait.

Il s’appelait Christophe.

Il est malheureusement décédé d’un arrêt cardio-respiratoire, chez nous, un dimanche matin. J’avais seulement neuf ans, et ma sœur six. Je n’ai toujours pas fait mon deuil, et son absence me fait toujours autant souffrir, c’est comme une plaie ouverte qui ne veut pas se refermer. Nous l’avons enterré dans la tombe de mon grand-père. Cette tombe était pour mes grands parents, mais la vie en a décidé autrement. Il suffit que je parle de mon père pour que je pleure, mais je ne le montre pas, car j’ai pris son rôle, je protège ma famille dorénavant. Toute ma famille me dit que je lui ressemble comme deux gouttes d’eau, j’ai les mêmes yeux, les mêmes cheveux, les mêmes traits du visage, la même façon de m’exprimer, de penser. Mais je n’ai pas supporté de le perdre. A seulement onze ans, j’ai fais deux tentatives de suicide, et j’en ai fait d’autres. Si je suis encore en vie, c’est qu’il y a forcément une raison. Ma mère ne le sait pas, je lui ai toujours caché ma souffrance pour la protéger, la conséquence, c’est que maintenant je suis en dépression et en souffrance continue.

La maison où je vis, c’est celle de ma grand-mère. Mon père la lui a rachetée juste avant de mourir. Il m’a aussi aidé à finir mon bureau, nous l’avons fini le samedi juste avant sa mort. Pour moi, je pense qu’il se doutait qu’il allait nous quitter, il voulait tout finir, tout faire pour être sûr qu’en son absence, nous ne manquions de rien. Et je ne suis pas la seule de ma famille à penser ça.

Maintenant j’ai un beau-père, je ne l’apprécie pas beaucoup, il est peut-être gentil et attentionné, mais je n’ai qu’une figure masculine et c’est celle de mon père. Personne d’autre.

Pour un Noël, avec ma mère, on a offert un couteau à mon beau-père, car dans notre famille, chaque homme a un couteau bien à lui. Mon père en avait un aussi, c’est moi qui l’ai récupéré, car mon père n’a pas eu de fils, mais trois filles : ma grande sœur qui a trente ans, qu’il a eu avec une autre femme. Ma petite sœur qui a douze ans et moi qui en ait quinze. Si c’est moi qui est récupéré son coteau, c’est parce que je suis considérée comme sa descendante directe. Ma grande sœur préfère les boucles d’oreille de mon père, il était percé seulement à l’oreille gauche, et avait un seul tatouage, la fée Mélusine dans le haut du dos. Son couteau me fait penser à lui. Pourtant, j’ai gardé son parfum et des vestes à lui, mais ce qui me fait vraiment penser à lui, c’est son couteau qu’il avait tout le temps. Ça n’empêche pas que quand j’ai besoin de me sentir près de lui, et en sécurité, je prends une de ses vestes et je mets son parfum dessus. Mais son couteau, il l’avait vraiment tout le temps, il l’emmenait partout. C’est son père qui le lui avait donné. Même si je ne m’en sers pas aussi souvent que lui, je sais qu’il est dans le tiroir où il a toujours été. Ce couteau me relit à mon père, il resserre nos liens, alors qu’un couteau est censé trancher des liens, mais moi je préfère les maintenir grâce à ce couteau.

30

J’ai hérité d’un pompon rouge qui se trouve sur les chapeaux de l’armée de la marine, ayant appartenu à mon arrière grand-père lorsqu’il était dans l’armée. Il a ensuite été obtenu par mon grand-père qui a également travaillé en tant qu’infirmier dans l’armée. Il m’a été ensuite donné par mon grand-père qui collectionnait beaucoup d’objets militaires et a décidé de ne pas tout garder. Cet objet n’a aucune utilité pour moi, que ce soit maintenant ou plus tard. Il n’est pas forcément très décoratif et sa couleur rouge le rend très voyant.

C’est un objet peu commun et je pense que peu de personnes connaissent cet objet. Avec le temps, il ne s’est pas amélioré, il s’est aplati et a perdu de sa couleur. C’est un objet plutôt simple qui n’a pas une forme exceptionnelle, c’est juste une « boule ». Il est doux, mais il est utilisé dans un cadre dur et difficile : un navire de guerre qui est un espace peu chaleureux. Cet objet, derrière son apparence simple, douce et inutile, cache une utilité pour la guerre, une action qui n’a rien de bon. Je n’ai pas beaucoup d’informations sur lui, il m’a été donné sans vraiment transmettre son histoire avec. Pour moi, c’est donc un objet simple avec une histoire simple car je ne le trouve pas incroyable. Comme je ne connais pas son histoire avant que mon grand-père me l’ait donné, je n’ai pas connaissance de ce qu’il a vécu.

31

L’ objet que j’ai choisi est un album photos. Celui-ci est chez mes grands-parents, alors quand je suis chez eux, j’en profite pour le feuilleter. La couverture et le dos ce cet ouvrage de photos commence à jaunir, mais les photos restent intactes grâce aux pochettes plastiques qui les recouvrent.

Cet album a une valeur sentimentale pour moi. Je n’ai pas envie qu’il disparaisse ou qu’on le jette, car il ne m’appartient pas à moi mais à mes grands-parents, alors ce n’est pas moi qui décide de le garder ou pas. Car s’il venait à disparaître, c’est une part d’histoire qui s’en irait. Dans cet album, il y a une panoplie de souvenirs et si on venait à le jeter, tous ces souvenirs partiront et mes enfants ne pourront pas les découvrir. Il y a un côté sentimental dans cet album, c’est plein de moments vécus avec ma famille, mes arrières grands-parents maintenant décédés.

J’ai aussi envie que plus tard mes enfants puissent voir les anciennes générations de la famille, voir comment elle évolue et dans quelles conditions.

J’aimerais pouvoir récupérer cet album plus tard pour pouvoir le continuer.

32

L’objet familial est un fusil de chasse, il appartient à mon grand-père. Il lui a été légué par son père, mon arrière-grand-père, dans les années 80.

Il a vécu de grands évènements à travers le temps, dont la seconde guerre mondiale et tout ce qui s’en suit aux côtés de mon arrière-grand-père en Italie, et la chute du mur de Berlin avec mon grand-père.

À son arrivée en France, mon grand-père a entreposé le fusil dans la cave de sa maison de campagne, les seules fois où le fusil sortait de la cave, c’était pour aller chasser avec mon grand-père.

Aujourd’hui, mon grand-père garde le fusil dans son bureau, là où il entrepose les armes ramenées de ses voyages lors de son tour du monde.

Quand on entend le mot «fusil», nous pouvons aussi entendre les mots «mort» et «guerre» en écho, car le fusil est une arme offensive qui peut être utilisée pour combattre mais aussi pour tuer des êtres-vivants. Mais nous pouvons aussi le voir d’un point de vue artistique car c’est le produit d’une activité humaine qui conçoit, fabrique ou encore modifie les armes.

33

L’objet dont je vais parler est la montre de mon grand-père. Il était infirmier de guerre. Après avoir frôlé la mort, avoir voyagé dans plusieurs pays, il rentre chez lui. Pour se réinsérer dans la société, il s’achète une montre comme les hommes nobles et aisés de l’époque. La montre a un côté symbolique, car il la portait sur lui sur la dernière photo prise de son vivant et elle lui a été retirée avant de le transférer à la morgue.

Ma mère la reçoit comme héritage, mais ne la porte pas évidemment puisque la montre a plutôt un côté masculin, donc elle reste des années dans le tiroir de sa chambre. Un jour, elle me la lègue, moi très surpris, car ma mère ne nous laissait jamais nous approcher de la montre quand elle l’avait.

34

Mon arrière arrière-grand-mère, qui est décédée tôt, légua une canne à mon arrière-grand-mère. Mon arrière grand-mère, qui est décédée il y a huit ans, m’a léguè sa canne.

Quand la Seconde Guerre mondiale débuta, ma famille se réfugia en Algérie française. Pendant toute cette période, la canne accompagna mon arrière-grand-mère.

Cette canne est de couleur dorée, avec des petits bouts métalliques permettant à la canne d’ajuster sa taille. Tout en haut de la canne, il y a une sorte de recouvrement de caoutchouc qui sert à ne pas tomber. Pareil pour le bas, sauf que cela sert à ne pas glisser, mais aussi à ne pas laisser de trace au sol car la canne est en métal. Ce petit bout de caoutchouc, à force de l’utiliser, est rentré vers l’intérieur car elle n’est pas pleine. Pour finir en haut, il y a une étiquette où il y a marqué son nom et son prénom.

Cette canne me fait penser à la faiblesse, mais aussi à la force parce qu’on a des problèmes de santé mais qu’on a quand même envie de marcher.

35

Ma mère m’a raconté, que dix ans après que mes grands-parents aient emménagé ensemble, ma grand-mère a acheté une table basse en marbre bleu foncé avec des reflets noirs. Le dessus de la table peut tourner. C’est une jolie table conviviale dont ma grand-mère était fière. Avec le temps et la vieillesse, mes grands-parents sont tombés malades. Ma grand-mère à été diagnostiquée atteinte d’Alzheimer et mon grand-père a été alité. Ma tante a donc décidé de rester vivre avec mes grands-parents pour s’occuper d’eux.

En 2017, dix ans après ma naissance, elle a décidé de refaire la décoration de la maison, qui n’était plus trop au goût du jour. Elle a donc fait changer les meubles et s’est débarrassée de la jolie table bleue.

Ma tante demanda à ma mère de prendre la table chez elle mais après avoir vérifié plusieurs fois, ma mère refusa par manque de place. Ma tante proposa donc la table à mon oncle, qui accepta volontiers. Mon oncle, sa conjointe et leur fils installèrent la table dans le salon. Leur appartement étant plus petit que celui de mes grands-parents, la table leur servait de table à manger. Ils nous ont dit qu’ils étaient satisfaits de la table et qu’ils y faisaient attention même si elle commençait à se détériorer.

Quatre à cinq ans plus tard, la maladie de ma grand-mère avait pris de l’ampleur. Mon oncle, quant à lui, nous avait confié qu’il voulait remplacer la jolie table bleue qui « vieillissait mal ».

Plus tard dans l’année, un après-midi, il nous invita à prendre un café ou un thé chez eux. Ma grand-mère, trop fatiguée, déclina l’invitation. Une fois arrivée et installée, ma mère vit la table pleine de coupures et de taches d’usure. La table était « presque morte ». Elle essaya de rester calme pour ne rien laisser paraître puis elle prétexta un mot de tête et expliqua à mon oncle que nous devions rentrer chez nous.

Une dizaine de minutes après, dans la voiture, elle commença à exprimer sa colère et me dit : « tu as vu ce qu’ils ont fait de la belle table de ma mère ?». Je ne comprenais pas réellement que, pour elle, c’était potentiellement le reflet de ma grand-mère et de son vécu. C’était la table de son enfance sur laquelle elle avait l’habitude de prendre son goûter en rentrant de l’école. Elle se sentait probablement coupable. Elle préférait ne pas admettre cela et nous dire que la table était abîmée à cause de mon oncle, d’un manque de soin et de respect.

36

La cabane est un lieu d’autonomie où l’on imite la vie des adultes alors qu’on est plongé dans notre enfance.

Cette cabane porte une partie de mon enfance, tout comme un tas d’objets avec lesquelles j’ai joué. Plus particulièrement cette cabane servait de repère à l’univers que j’imaginais. Elle me paraissait grande au début, quand mon père avait fini de la construire mais j’avais l’impression qu’avec le temps, elle rapetissait, c’était tout simplement le signe que je grandissais.

Dans cette cabane, j’ai passé beaucoup de temps à m’imaginer des scénarios avec mes amis. Par exemple, j’imaginais que j’étais le roi d’une ville et que la cabane était mon château, ou encore tous simplement que j’habitais la cabane comme si c’était ma maison. Tout ça pour dire que cette cabane a développé mon imagination et tous ces moments passés dedans ont renforcé mon lien avec elle. Ce qui a peut-être contribué à renforcer ce lien, c’est qu’elle a été faite par mon père, ce qui la rendait unique.

Le jour où mes parents m’ont dit qu’ils comptaient détruire cette cabane car elle ne servait ni à moi ni à mon frère, je culpabilisais car j’avais un certain attachement mais je ne pouvais pas nier qu’elle ne servait plus car c’était la réalité. Après cette décision prise par mes parents, la cabane a été supprimée dans les jours qui ont suivi comme si de rien n’était. Cet événement était un peu comme l’enterrement de mon enfance car j’avais perdu le plaisir de jouer.

Cette cabane, j’y repense souvent, le vide qu’elle a laissé dans mon jardin me fait quand même mal mais j’essaye de n’en garder que les bons souvenirs et oublier tout le mal que son départ m’a fait.

Au delà de la philosophie que l’on peut tirer des cabanes, je pense qu’une cabane pour un enfant permet de développer une vie d’adulte englobée et adoucie. Une cabane fait toucher à un enfant très légèrement ce qu’est le monde des adultes.

37

Dans un œuf se forma une oie sauvage qui grandissait au fil du temps, elle grandit, et des plumes poussèrent. Parmi ces plumes, une grandit plus vite que les autres. Cette plume vécut le jour, la nuit, la chaleur, le froid, la pluie pendant les migrations. En plein froid, l’oie toucha les lacs gelés, et quelques minutes après, la plume se retrouva sur un corps sans vie. L’oie avait été tirée par mon grand-père. La plume commença à se figer et le meilleur ami de mon grand-père arracha la plume car elle était plus belle que les autres.

Cette plume est toujours là. L’eau qui glisse sur elle la rend brillante et souple grâce aux reflets du soleil.

Plus tard, cette plume est arrivée dans un endroit chaud, convivial, posée dans un pot au bord d’une cheminée, dans la maison de mon grand-père. Cependant la plume s’assécha à la chaleur, et est devenue terne. Elle a subi une transition pour devenir un objet très utile dans la vie courante : elle danse sur des feuilles tous les jours.

Cette plume aura voyagé dans tout le monde, ayant connu toutes les intempéries de la vie, et a subi un changement brutal lorsqu’elle se retrouva dans un liquide bleu. Elle était devenue un stylo plume et à l’heure d’aujourd’hui, mon grand-père ne s’en sert plus. Mais quand il la regarde, ça lui rappelle beaucoup de bons moments, passés avec ses amis à la chasse, quand il était jeune.

38

Le franc est une petite pièce de tailles différentes et variées, ronde avec des dents sur les bords qui font tout le tour de la pièce. Elle possède une couleur jaunâtre un peu rouille. Les détails et les dessins représentés sur la pièce donnent un aspect esthétique à l’objet, qui laisse penser qu’il est conçu pour le regard.

Ce franc appartenait à la famille de ma mère. Ma mère et ses frères ont grandi avec, tandis que leur plus jeune sœur naquit en 2000 et connut peu le franc. En revanche, elle était née lors du passage du franc à l’euro. J’ai pu voir sur des photos qu’ils avaient fait le changement en famille. Ma tante y avait assisté surtout pour amuser ses frères et sœurs.

Les personnes possédant ces pièces n’avaient pas forcément un statut social très élevé. Cela se définissait plutôt par la quantité qu’ils possédaient. La famille de ma mère était aisée. Aujourd’hui, le franc n’a plus de valeur, à part peut-être une valeur sentimentale.

Je me demande bien ce que je vais pouvoir faire de ces pièces qui m’ont été données. Je devrais sans doute les mettre dans un bocal pour les donner à mon tour à mes enfants. Ça rajouterait peut-être un charme à la décoration de ma maison, mais avec le temps elles vont rouiller et ne plus être esthétiques. Je pourrais les mettre dans un carton, dans un coin pour les transmettre aux générations suivantes. Pour moi, malgré les souvenirs évoqués, ces pièces ne signifient rien.

39

Cet objet, ou plutôt ce vêtement, est une écharpe rouge tricotée à la main par mon arrière grand-mère. C’est une écharpe en laine et effilochée à cause du temps, je me souviens qu’elle était déjà assez vieille quand on me l’a transmise. Malgré le fait que je l’avais complètement oubliée depuis des années, l’image de cette écharpe est apparue dans mon esprit soudainement. Je l’avais oubliée depuis longtemps et pourtant, quand je me suis souvenue de son existence, de nombreux souvenirs m’ont submergée : je me suis souvenue des après-midis que je passais chez mon arrière grand-mère avec ma sœur et mon frère pendant que mes parents travaillaient, j’aimais beaucoup aller chez elle.

Cette écharpe est pour moi plus qu’un vêtement. C’est une belle écharpe et je sens qu’elle a été tricotée avec beaucoup d’amour. Elle a été créée, faite à la main par mon arrière grand-mère, qui comptait l’offrir à une personne qu’elle aimait beaucoup.

Cette écharpe permet de tisser de profonds sentiments d’affection, d’amour. Elle avait en effet pour but d’être offerte, mon arrière grand-mère en avait fait cadeau à ma mère. Quand nous avons grandi, ma mère en avait fait cadeau à ma grande sœur, puis, ma sœur me l’a transmise, ainsi ce fut à mon tour d’en hériter. Enfin, quelques années plus tard, peu de temps après la mort de mon arrière grand-mère, je l’ai transmise à mon petit frère. Malheureusement, aucun de nous trois n’a jamais voulu la porter…

C’était une belle écharpe, c’est vrai, mais elle était très inconfortable à porter. Ma grande sœur ne l’avait jamais vraiment portée et au début cela m’agaçais un peu, je la trouvais irrespectueuse. Mais voilà, quand vint mon tour de l’acquérir, j’étais au début très heureuse. Mais la déception a vite remplacé la joie… Je l’avais mise autour de mon cou et seulement quelques minutes plus tard, elle me grattait horriblement, c’était vraiment très désagréable et je ne pouvais pas supporter de l’avoir autour du cou plus d’une heure.Cependant, je m’efforçais de la mettre à chaque fois que j’allais chez mon arrière grand-mère.

Peu après sa mort, je l’ai transmise à mon petit frère qui, lui, ne l’a même pas gardé e une heure… Il n’a plus jamais fait l’effort de la mettre non plus. Le temps passe et l’écharpe a atterri au fond d’un placard. Après que nous ayons déménagé, je ne l’ai plus revue.

Quelques fois, quand j’y repense, je me sens mal pour mon arrière grand-mère, mais pour être honnête, je n’ai jamais osé lui dire à quel point c’était horrible de porter cette écharpe, ça partait d’une bonne intention et je ne voulais pas l’offenser…

Mais même si personne ne la portait, elle a toujours été conservée, même si elle était oubliée, elle était toujours là. Je sais bien que même si je la retrouvais, je ne la porterais pas pour autant, mais c’est toujours agréable d’avoir des choses qui nous rappellent les personnes disparues et qui nous manquent, c’est comme si une part d’eux était toujours présente et veillait sur nous.

40

Il y a un objet qui a été transmis dans ma famille, cet objet est une bague avec un tout petit cœur dessus. Elle a été offerte par un membre de ma famille que je n’ai pas pu connaître, seule ma grand-mère et mon grand-père le connaissaient. Après le décès de ma grand-mère, mon grand-père a donné la bague à ma tante. Malheureusement il est décédé il y a huit mois. Je ne le souhaite pas mais le jour où ma tante décédera, la bague sera récupérée et transmise à mon autre tante, puis ensuite à ma mère.

Ma mère devra choisir à qui elle donnera la bague dans la famille comme mes tantes et ma grand-mère. Cet objet a été transmis pour les femmes, pas aux hommes, et plus particulièrement à ma mère réfléchissant à qui elle pourrait être donnée. Si j’avais eu une sœur, elle aurait été transmise directement à elle d’après ce que ma mère a dit. Il pourrait y avoir quelques femmes jalouse dans la famille car la bague ne sera qu’à une personne qui la donnera à quelqu’un d’autre par la suite, cela me fait rire.

Pour moi, cet objet fait partie d’une descendance féminine qui a commencé avec ma grand-mère et qui se terminera peut être pas, à part si la bague est perdue. Si j’avais été une femme, j’aurais aimé avoir cette bague car pour moi c’est un honneur vu que ma grand-mère, mes tantes et ma mère l’avaient eue. Vu que je suis un homme, je ne l’aurai pas mais je pourrai choisir avec ma mère à qui la bague sera transmise.

41

Les deux tickets de rationnement ont été donnés en 1946 à mon arrière-grand-père. L’un est une carte qui permettait d’acheter des vêtements, l’autre servait à acheter de la nourriture.

A travers ces tickets ne se reflète pas qu’une histoire, mais l’Histoire avec un grand H, car ils datent d’un an seulement après la Seconde Guerre Mondiale et beaucoup de pays comme la France doivent alors faire des rations d’articles, à cause des pénuries dues à la guerre. Les gens ne pouvaient pas acheter autant qu’ils le voulaient. Il faudra attendre le premier décembre 1949, soit dix ans après de début de la guerre, pour que le rationnement se termine, faisant disparaître ces tickets. Ce côté historique lié à mon aïeul me fait repenser à son histoire pendant cette période.

Dans le courant du mois de mars 44, alors qu’il a 19 ans, mon arrière grand-père est « recruté » de force au Service des Travailleurs Obligatoires (STO). Son travail est de transporter des armes et des munitions, en charrette avec trois ou quatre personnes, pour les soldats allemands qui occupent le pays.

Le mois de son recrutement, en plein voyage de livraison, il décide avec ses «compagnons de galère» d’abandonner le matériel et de fuir, tous étant dégoûtés par le fait de travailler pour l’occupant. Lui se cachera jusqu’à la Libération de la France. Ses camarades seront tous retrouvés et exécutés pour cet acte de rébellion.

Si son action ne s’inscrit pas dans la Résistance avec un grand R, il marque la bravoure dont a fait preuve mon arrière-grand-père face à un acte qui, pour l’occupant, méritait la mort.

Lui qui a vécu la libération de la France comme un rêve, un mythe, il a trouvé ce rationnement peu gênant comparé à l’Occupation et à la dictature Vichyste. Ce comportement, de faire avec ce qu’on a, restera en lui toute sa vie, cette modestie m’impressionne encore aujourd’hui.

A 96 ans, sa dernière année, il gardait le sourire malgré ses douleurs, il blaguait de tout. Il savait que ses bêtises lui servaient de leçons. On m’a raconté l’histoire du jour où il a décidé de laver sa voiture aux laveurs automatiques. Les deux brosses géantes activées, il s’est rendu compte qu’il faisait froid. Sa veste étant dans la voiture, il s’est rué pour la chercher avant le passage des brosses. Résultat : il a bien eu sa veste mais la machine a aussi eu sa portière de voiture. Depuis ce jour-là, il lave sa voiture à la main. Ou nous demandait de le faire.

Toutes ces anecdotes, toutes ces histoires, tous ces traits de caractère, je les revois à travers ces tickets, c’est à ça que servent les souvenirs, reflétés par des objets. C’est incroyable de se dire que ces tickets, sans avoir vu la lueur du jour, ont traversé les époques : la France d’après-guerre, la Guerre Froide, les attentats des Tours Jumelles, l’Irak de Saddam Hussein et la nouvelle guerre qui l’a suivie… jusqu’à leur découverte début 2022. Depuis, j’espère réussir à conserver leur histoire.

Ces tickets, je les ai trouvés dans les affaires qu’il a laissées à sa mort en décembre 2021. Pourquoi les avait-il gardés ? Craignait-il d’en avoir besoin pour se réapprovisionner ? Peut-être voulait-il garder un souvenir de cette époque ? Ces tickets m’apprennent de lui qu’il était ouvrier agricole à cette époque (il deviendra plus tard chauffeur de bus jusqu’à la retraite) et qu’il habitait déjà Gacé, dans l’Orne, où il vivra jusqu’à la fin de sa vie.

J’aime dire que j’ai en partie hérité du don de mon aïeul, de rester joyeux même quand tout ne l’est pas. Ainsi que de son prénom qui est devenu mon troisième prénom en son honneur : Nathan André Roland.

42

Mon objet me suit depuis mes neuf ans. Il a une valeur tout d’abord sentimentale car c’est la personne que je chéris le plus au monde, ma mère, qui m’en a fait héritière. Avant de me le léguer, ma grand-mère en avait fait cadeau à ma mère, lorsqu’elle était jeune fille, en Tunisie, terre natale de mes grands-parents.

C’est un collier décoré d’un pendentif cœur, en or. Le précieux présent me remémore de bons souvenirs passés. Une belle nostalgie parcours ainsi mon être. Ce joyau représente également la confiance et l’amour que ma mère porte à mon égard, cela me réconforte comme une longue méditation existentielle. L’objet discret paraît futile au premier abord, mais il renferme plus de souvenirs et d’émotions que l’on pourrait imaginer. La merveille m’a suivi dans les bons comme dans les mauvais moments, et m’a soutenue, comme ma mère l’aurait fait. Et comme elle encore, le collier ne retient rien d’autre que le positif, afin de le transmettre ensuite autour d’elle : un altruisme extraordinaire. Tel un talisman il me donne de l’énergie, me protège et me porte bonheur, ainsi cela le rend presque magique.

En m’offrant le collier, ma mère ne m’a pas donné qu’un simple bijou, elle m’a fait cadeau de souvenirs et de valeurs inestimables, de richesses spirituelles. On dit que l’or est éternel, tout comme notre amour et les liens inébranlables qui nous unissent. Ainsi, le collier a vu et vécu plus de choses que moi, il a voyagé de nombreuses fois et a quitté son pays natal pour la France.

Son aspect intact m’a permis de me rendre compte que je grandis vite et que le bijou, lui, ne se transforme pas. A ma neuvième année, il m’allait tel un sautoir, aujourd’hui il me va tel un collier.

Je me souviens du jour où ma mère me l’a offert comme si c’était hier. Nous étions en Tunisie, ma mère était d’une élégance… que je ne saurais point qualifier, vêtue d’un pantalon couleur taupe, d’un chemisier décoré d’un imprimé floral. Elle portait de grosses boucles d’oreilles soleil, et sa peau était bronzée. Je pourrais réellement comparer ma mère au soleil, sans elle je n’y verrais rien, elle me réchauffe le cœur et elle est tellement rayonnante que l’on peut sentir des rayons d’énergie positive traverser notre corps.

Peut-être que ses origines de pays chaud la rendent plus proche du soleil et lui transmettent l’énergie d’affronter toutes les épreuves. En regardant le collier nous pouvons ni connaître son âge, ni ses aventures ni d’où il provient. Ce collier est un jardin secret que l’on partage, moi et ma mère.

43

L’objet que j’ai choisi est un CD avec des photos et des vidéos de ma famille, qui datent d’une trentaine d’années. Ces photos et vidéos ont été prises dans les moments importants et uniques, comme les mariages, les anniversaires, les vacances …

Il y a des centaines de vidéos et de photos qui ont été prises quand je n’étais pas né. J’ai vu des vidéos de ma mère quand elle était jeune. Elles sont conservées dans des CD qui se situent à l’heure actuelle chez mes grands-parents dans un meuble, mais je ne sais pas dans quelle pièce. Malheureusement, je n’ai plus de lecteur chez moi et donc il faudrait que j’en rachète un pour pouvoir les regarder, mais même si je pouvais les regarder, je mettrais des heures. Ces CD sont très précieux pour moi et ma famille, et je pense qu’il passeront de générations en générations. Peut-être plus tard, je ferai moi aussi des CD de vidéos et de photos de famille ?

44

Le tam-tam est un instrument de musique qui est assez fragile. Il se casse assez vite car la plupart du temps, il est fait en céramique. L’objet a une forme cylindrique, fermé d’un seul côté, l’autre côté sert à faire passer le son. Les motifs du tam-tam peuvent varier ainsi que son coloris. Le mien est de couleur rouge avec des motifs argentés en forme de vagues. Il existe plusieurs tailles. Celui m’appartenant est de petite taille.

Il est originaire de Tunisie, tout comme ma famille et moi même. Pour en trouver en Tunisie, ce n’est pas très difficile car on en trouve dans tous les commerces traditionnels.

Dans ma famille, on sait à peu près comment utiliser cet instrument. On peut jouer quelques notes, même si je ne suis pas très forte pour en jouer, je dirais même que je suis la moins douée de ma famille.

Cet instrument est joué lors des anniversaires, des mariages et dans encore beaucoup d’autres évènements festifs. Il a servi durant tous les mariages de ma famille du côté de mon père et de ma mère. Ma ville natale est une petite ville peu connue de la Tunisie. Les personnes qui y habitent son assez âgées, donc on retrouve encore une manière traditionnelle de penser.

Le tam-tam peut également servir de décoration lorsqu’il est de petite taille. Il n’est pas rare de retrouver cet objet dans des maisons, lorsque je vais dans ma famille qui vit en Tunisie, j’en vois très souvent.

Le tam-tam a été acheté en Tunisie, puis il a été ramené en France en même temps que je suis venue habiter ici, à l’âge de quatre ans . Mais comparé à moi, cet objet restera en France alors que moi je continuerai d’aller en Tunisie. Aujourd’hui cet objet est dans un coin de ma chambre et il prend la poussière.

Pendant les mariages, lorsqu’on joue du tam-tam, il est mal accompagné plus de la moitié du temps. Le plus pénible, c’est lorsqu’on est près des enceintes. C’est pour cela que je n’aime pas assister à des mariages tunisiens car on doit supporter cet accompagnement durant quatre nuits consécutives. Mais lorsqu’il est bien accompagné, c’est très agréable à écouter.

45

L’objet dont je vais parler a un lien particulier avec la famille de mon père. C’est un très vieux ballon de football qui appartenait à mon grand-père dans les années 40.

Dans ma famille, ce ballon est précieux. Quand il était jeune, papy a mis une année entière à le fabriquer. Je n’ai malheureusement pas plus de détails à ce sujet, mais je sais que fabriquer un ballon lui tenait particulièrement à cœur car il était un fan de football. Ses parents n’avaient pas les moyens financiers pour l’inscrire dans un club de football. Étant donné que le ballon a été fait de ses propres mains, il reste énormément fragile au fur et à mesure des années. Mon grand-père n’a jamais abandonné ce ballon durant toute sa vie.

Malheureusement je l’ai connu lorsque j’avais deux ans, je n’ai plus aucun souvenir de lui. La seule trace qu’il me reste de lui, c’est évidemment ce fameux ballon qui est toujours parmi nous, bien qu’il soit très abîmé. Aujourd’hui, le ballon est encadré dans une petite vitrine avec une photo de mon grand-père qui tient son ballon à la main. Cette vitrine se trouve chez ma tante, la fille de mon grand-père. Je dis bien pour le moment car quand j’aurai la chance d’avoir mon propre domicile fixe, j’ai comme vœu de posséder la vitrine avec le ballon, sans oublier la photo qui va avec. Le projet de ma famille, c’est de transmettre ce ballon de générations en générations. Je raconterai cette histoire magique à mes futurs enfants qui, eux, la raconteront à leurs enfants à leur tour.

On souhaite que la vie du ballon n’ait jamais une fin.

Ce ballon rendait heureux mon grand-père car il lui tenait compagnie, c’était en quelque sorte son meilleur ami. Ce ballon a accompagné mon grand-père toute sa vie.

Cette histoire me tient à cœur et je m’inspire de cette histoire car, personnellement, je trouve incroyable que le ballon vive toujours à l’heure actuelle alors qu’il a été créé il y a si longtemps et évidemment, j’espère qu’il continuera à vivre ainsi pendant de longues années encore.

Ce ballon est sacré.

46

La cantine militaire familiale a appartenu à mon arrière-grand-père, surnommé Petit Papi, qui était militaire de carrière. Petit Papi a fait la Seconde Guerre mondiale, il a par ailleurs occupé l’Allemagne, fait la Guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Le combat qui l’a énormément marqué, reste quand même la Seconde Guerre Mondiale. Au cours de celle-ci, il a été capturé et mis dans une prison allemande. Il a essayé de s’échapper, mais manque de chance, il a été vu. Pour être sûr qu’il n’allait pas recommencer, ils l’ont torturé… Il est devenu fou des années plus tard, et voyait des allemands partout.

Cette malle a donc vécu beaucoup de guerres, et visité un grand nombre de pays. Cette cantine regroupait tous ses effets personnels, qui étaient envoyés sur le théâtre des opérations lorsqu’il s’absentait pendant plusieurs mois.

Une fois qu’il a pris sa retraite militaire, il l’a transmise à mon grand-père, qui était un passionné de constructions de voitures de courses en modèle réduit. Il a passé des milliers d’heures à construire ses véhicules, et il les stockait par la suite dans cette fameuse cantine militaire. Cette malle qui était transportée par des camions militaires, les transporte maintenant, étant donné que ce véhicule est devenu un jouet de collection.

Lorsqu’à son tour mon grand-père, pour des raisons personnelles et professionnelles, est parti plusieurs années de France, il a transmis la cantine à mon père, car il ne pouvait la transporter à l’étranger. Maintenant cette cantine est rangée dans un coin, car malheureusement mon père ne s’en sert pas. J’aimerais énormément hériter de cet objet symbolique, mais je suppose que c’est plutôt mon frère qui va l’avoir, car elle se transmet de père en fils. Pourquoi ne s’en sert-il pas ? Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de guerres qu’elle ne sert pas !

Cette malle rappelle de très bons souvenirs à mon père, car elle symbolise le lien entre générations. Elle remémore l’histoire de notre famille, et les racines de la naissance de mon grand-père, qui est né à Magburg en Allemagne. Elle aide mon père à faire son deuil, parce qu’elle lui rappelle tous les moments qu’il a passés avec Petit Papi. Les bons comme les mauvais, ce qui compte vraiment c’est se rappeler, ne pas oublier. Cette cuisine permet de se souvenir des passions de mon grand-père, elle permet aussi de ne pas oublier l’histoire familiale, c’est pour cela qu’il faut en prendre soin.

47

Il y a maintenant douze ans que mon arrière grand-père est décédé. Cette année, il aurait eu quatre vingt quatorze ans. C’était pour moi un grand homme avec beaucoup de courage, il s’appelait Jacques.

Mes deux arrières grands-parents ont vécu la Seconde Guerre Mondiale, et mon arrière grand-père s’est battu pour son pays. Il en est ressorti vivant sans trop de blessures mais beaucoup de séquelles dans sa tête.

Au moment de ses quatre-vingt ans, on a appris qu’il avait la maladie d’Alzheimer. Malgré mon jeune âge, je comprenais qu’il souffrait énormément. Avec mes parents, nous allions le voir dès qu’on le pouvait. Il ne se souvenait plus de mon père et encore moins de ma mère. Mon père, à cette époque, portait souvent des chaussures de ville pour le travail, il s’en moquait en les comparant à des chaussures de lutin. Je ne l’ai pas connu longtemps, mais mon arrière grand-mère m’a raconté que la seule chose qui ne partait pas de sa mémoire, c’était moi, mon nom, mon visage, il savait me reconnaître. Plus tard, elle m’a aussi dit que quand je venais, elle le voyait revivre. C’était les seuls moments où il souriait, où il bougeait encore un peu. C’était elle qui faisait sa toilette, qui l’habillait, qui lui coupait sa viande…Toutes ces petites actions quotidiennes de la vie, il ne pouvait plus les faire seul et elle ne l’a jamais abandonné. Il est décédé deux ans plus tard quand j’avais seulement trois ans.

Ça m’a beaucoup touchée… Maintenant que je suis grande, je comprends ce que pouvait ressentir mon arrière grand-mère.

Après son décès, mon arrière grand-mère m’a montré les quatre médailles qu’il avait eues pendant la guerre. Elle en prenait très soin. L’une d’entre elle m’avait marquée, elle était en argent avec un morceau de tissu bleu, blanc, rouge.

Un jour, pour mon anniversaire, elle m’a donné la médaille qui m’avait marquée étant plus petite. Par peur de l’abîmer je l’ai mise dans un étui transparent, puis je l’ai placée dans une vitrine chez mes grands-parents.

Plus je grandissais, moins j’y prêtais attention, et grâce à ce travail, cet objet qui avait presque totalement disparu de ma tête, m’est revenu à l’esprit.

Avec quelques photos, cette médaille est la seule chose qui me reste de cet homme.

Bien que je ne connaisse pas vraiment sa signification, elle a une très grande valeur sentimentale pour moi. Rien que le fait de savoir d’où elle vient me rend fier de lui.

Quand je la regarde, la première chose qui me vient en tête, c’est une photo de lui portant ses médailles et son uniforme. J’aurais aimé apprendre à le connaître, je n’ai qu’une vague image de son visage… Je suis sûre que l’on se serait très bien entendu, étant passionnée d’Histoire et de la guerre, nous aurions pu avoir de longues discussions.

48

La graisse, qui crée le sentiment d’être confortable et communique l’idée de s’aimer, n’arrive jamais à se convaincre qu’elle est un problème. Car le muscle se souvient qu’il est contrôlé par ce confort, ce monstre qui emprisonne le développement positif, physique mais aussi mental. L’entraînement physique rend faible la rage et la tristesse en moi, rend faible la partie faible et renforce la partie déjà renforcée. On peut perfectionner ce qu’on attend de nous.

Pour moi, le muscle et l’entraînement physique sont les choses les plus importantes et anciennes, ils me suivent pour plus de la moitié de ma vie et me libèrent des limites «naturelles»

Son existence qui est caché par les tissus fins et larges apparaît faible, mais est large et surprenante.

Ma passion n’est pas familiale ou même amicale. Ce sont l’admiration et la dévouement qui m’ont donné envie, qui m’ont inspiré pour suivre cette route. Ceux que j’admirais et j’admire sont Arnold Schwarzenegger et Dwayne Johnson (The Rock). Ils ne sont pas famille de sang mais de lien, je les vois comme des grands frères, qui m’ont enseigné d’être comme je suis.

Le muscle et l’amélioration peuvent être utilisés comme une arme d’attaque ou de défense, c’est à nous de choisir.

Ce qui est important, c’est l’intention. La partie mentale est aussi importante que la partie physique.

Le muscle ne possède pas de mauvaise histoire, c’est nous qui la créons, car il peut apparaître quand on le souhaite, et c’est ça que je trouve beau. Mais il a aussi des parties négatives par exemple, la dysmorphie corporelle et la manque de confiance, qui, je pense, équilibrent l’état mental, pour qu’on ne soit pas très arrogant de nous-même et se croire le lion dans le jungle.

La beauté est toujours suivie par la laideur…

49

Dans la famille de mon père, nous avons plusieurs fois le même objet, un ustensile de cuisine : la «rasaole ». Son nom ne s’écrit pas car c’est de l’Andresen, un patois italien. Elle ressemble à une spatule triangulaire de petite taille qui a un manche et une boucle au bout. Avec l’usure et le temps, elle a petit à petit noirci et n’est donc plus vraiment de sa couleur argentée d’origine.

Elle est généralement ressortie pendant la période des fêtes de fin d’année pour réaliser des tarrades, de petits gâteaux aux graines de fenouil, lorsque l’on sépare les petits boudins de pâte et qu’on les met en forme de boucle. Le manche sert aussi à la réalisation des pâtes, les orecchiettes, quand on les faits à la main.

Ces « rasaole » ont quasiment toutes la même histoire, mais je n’en connais qu’une seule car elle appartient à mon grand-père. Celle-ci avait été donnée à mon grand-père par son père, qui le tenait lui même du sien. La tradition veut qu’elle revienne à l’aîné de la famille, pourtant mon grand père n’est pas l’aîné. La continuité voudrait que plus tard elle m’appartienne pour que je puisse garder une trace, un souvenir de ma famille, à laquelle je tiens tant. J’aimerais moi aussi, si un jour j’ai des enfants, pouvoir leurs donner cette « rasaole »pour ne pas perdre ce lien avec l’Italie.

Ici on parle précisément du sud de l’Italie dans la région des Pouilles, à Andria et les villes alentours où certains membres de la famille maintenant éloignée portent encore le même nom de famille que nous.

Mon grand-père, mon arrière grand père et son propre père sont tous des pères de familles qui ont possédé un ustensile de cuisine. En Italie, un pays machiste, la cuisine était réservée aux hommes.

50

Après une semaine à écrire et chercher diverses objets, j’ai trouvé un qui me convient. Une jolie chaîne en or ornée de petites pièces en forme de lunes et de papillons, mélangées à de petits morceaux de Prasiolite (Améthyste Verte).

Elle avait appartenu à plusieurs générations du côté de ma mère. Présentée comme un bijou de promesse. Elle descend dans la descendance à chaque majorité d’une génération, et a assisté à tous les mariages de ma famille du côté maternel en ornant leur cou.

Sa valeur sentimentale au sein de ma famille m’est réciproque contrairement à mes sœurs qui, elles, voient sa valeur matérielle et non financière. Pièce unique ayant plus d’une décennie, au vu de sa date de création et sa beauté, plusieurs antiquaires ont essayé de nous racheter ce bijou souvent estimé à plusieurs centaines d’euros.

J’aimerais à l’avenir, moi aussi, la porter à mon tour, en faisant honneur à ma famille. Ce bijou qui avait fait briller mes yeux pendant mon enfance, le petit moi qui rêvait d’être une princesse avec ce collier à mon cou, cet enfant aujourd’hui a grandi et de plus est très loin de la « petite princesse à paillettes ».

51

Je crois que cette montre, mon grand-père l’avait déjà avant ma naissance, ce qui fait donc qu’elle aurait au moins 16 ans. Cette longévité est due à un entretien impeccable de son matériel. Il y avait simplement une micro fissure sur le cadran qui n’empêchait pas la possibilité de voir. Il ne supportait pas que sa montre ne fonctionne plus. Il changé les piles et si la montre était sale, il fallait qu’il la nettoie sur le champ.

La montre peut-être associée au temps qui passe de secondes en secondes, d’heures en heures, d’années en années mais aussi se repérer dans le temps.

52

Mon objet est une boîte. Cette boîte appartenait à mon arrière-grand-père et il l’utilisait pour garder les choses près de son cœur. Celle-ci est orange avec une garniture argentée et un cadenas que l’on peut voir sur le devant. Je sais qu’il y avait un pistolet de la Seconde Guerre mondiale et une photo de sa femme. Cette boîte a été léguée à ma grand-mère après le décès de mon arrière-grand-père, et lorsque ma grand-mère a reçu la boîte, il y avait toujours ce que son père avait laissé derrière lui. Elle a suivi la même approche, plaçant deux objets qui lui sont chers. Cet objet orange m’a été offert il y a deux ans. Il y a encore deux objets de mon arrière-grand-père et deux de ma grand-mère. Il y a un an, j’y ai également mis deux objets qui me tiennent à cœur.

53

La poupée en porcelaine s’appelle Lucie. Elle appartient à ma famille maternelle depuis quatre générations.

Grâce à elle, chacune de nous a eu une collection car au départ c’était un jouet pour s’amuser. Par exemple, j’en ai sept en comptant Lucie, je les achète dans des brocantes. Mais mon grand-père a toute une collection dans son grenier qui appartenait à ma mère et à la grand-mère paternelle de ma mère.

Lucie date de longtemps, je dirais des années 20, pourtant elle est encore en bon état. Elle a des habits qui sont un peu démodés, les lacets ne sont pas les mêmes, l’un est de la ficelle et l’autre un élastique. Elle a un pantalon de l’époque un peu gonflé et blanc. Sa robe est bleu clair presque blanche avec des manches longues, de la dentelle et deux boutons. On la défait avec un scratch. Ses cheveux sont blonds et frisés, on voit juste la colle, jaunis qui tient ses cheveux.

Depuis quatre générations, on fait attention à elle. Mais elle est un peu abîmée par la vieillesse et le temps qui passe. Il faut en prendre soin car elle est fragile comme les personnes qu’elle aide. Sauf que sa fragilité est physique, alors que la fragilité des personnes qu’elle aide est à l’intérieur.

Elle a un halo autour d’elle qui nous fait comprendre que depuis sa création dans les années 20, des choses comme la Seconde Guerre Mondiale, la persécution des Juifs, les nazis ou l’attentat des tours jumelles se sont passés. Elle a aussi sûrement entendue par ma mère et ma grand-mère, la Guerre froide et par ma mère, la destruction du mur de Berlin …

Lucie a entendu beaucoup de moments historiques et elle en entendra encore par moi et les générations suivantes. Cette poupée raconte une histoire, celle de ma famille, celle des femmes. J’ai l’impression que si elle était en vie, elle m’apprendrait des choses, des histoire que je ne connais pas sur ma famille.

Lucie a aidé sentimentalement aussi ma grand-mère qui est bipolaire, et ma mère quand ma grand-mère était à l’hôpital où elle était droguée aux médicaments. Lucie a encore aidé ma mère pendant la période du collège. Ma mère n’était pas en confiance et les problèmes à sa maison avec ma grand-mère et mon grand-père, qui on peut le dire était très sévères, et comme il dit toujours « Je ne crie pas, je parle fort ». Tous ça pour montrer que Lucie nous a aidé et nous aidera toujours. Je me verrais bien la transmettre à ma fille ou mon fils et que Lucie les aide comme elle le fait depuis toujours, et voir mes enfants la transmettre à leurs enfants et ainsi de suite jusqu’à ce que je meurs.

54

Je vais vous parler du poignard de mon ancêtre, le père de mon arrière grand-père, Mohammed Bachir Gaby. Ce poignard était sombre couleur de nuit, il l’a trouvé dans une rivière, et c’est son père qui a fait le manche blanc avec ses initiales dessus MBG. La lame était noire.

Avec ce poignard, il a tué son premier animal à 24 ans car là où il vivait, il devait tuer des animaux pour survivre. C’était au sud de l’Afrique. Il a tué une sorte de brebis en l’attendant sur un arbre et son partenaire a attiré l’animal en poussant des cris de singe, je ne sais pas pourquoi, mais je sais que ça a marché. Quand l’animal a été sous l’arbre, Mohamed a sauté dessus en poignardant son cou avec le poignard et puis la brebis est morte. Quand il est rentré, il a fêté ça avec sa famille. Puis après ça, il a fait sa vie, il a eu deux enfants.


Laisser un commentaire